La nuit tombe sur le port d’Uturoa (Raiatea). Des soldats en arme avec paquetage complet embarquent à bord du Dumont d’Urville. Ils s’en vont poursuivre la deuxième phase de l’exercice Marara 2009 qui se déroule à Huahine. L’occasion de partager un moment avec ces hommes venus de tous horizons, sociaux et géographiques. Tranche de vie.
Un quotidien militaire sous haute pression
Les hommes sont harassés après trois jours de crapahut dans le cadre de l’exercice Marara 2009, à la recherche de nids d’ennemis sous une chaleur écrasante. Le transfert en direction de Huahine à bord du Dumont d’Urville apparaît comme un moment de détente où ils vont pouvoir enfin se mouvoir sans avoir casque lourd et sac à dos greffés sur eux. Ressemblant à des tortues marchant sur deux pattes, certains soldats sont tellement fatigués qu’il suffirait de les mettre sur le dos pour qu’ils restent là.
Leur lieu de couchage est des plus sommaires, une architecture de tubes métalliques permettant à trois hommes de « dormir » les uns au-dessus des autres sur de la toile de jute tendue. Cependant, l’heure est à l’ordinaire, la cantine militaire. Dans le couloir, chaque homme défile devant le passe-plat de la cuisine où les cuisiniers s’activent. Ici, pas de choix, les mêmes rations pour tout le monde dans des plateaux en ferraille. Ce soir là, poulet et petits pois sont au menu, accompagnés de betteraves et pommes de terre, avec un dessert qui pourrait faire office de colmatage en cas de voie d’eau.
Une vie de bord spartiate
La salle de repas est spartiate, le mobilier semblant d’une autre époque. Ici, le minimalisme prime sur le confort, les sièges fixés par un ingénieux système de tringlerie se déplient de sous la table offrant de quoi poser une demi-fesse et y glisser entre ses jambes le FAMAS (fusil d’assaut) que l’on garde à vue. Tout est conçu pour que personne ne s’attarde.
Quelques blagues fétiches aux camarades, des réclamations sur le repas, mais la faim domine et le moment est vite expédié. Une fois rassasiés, certains se dirigent vers leur couchette, tandis que d’autres se retrouvent sur le pont arrière pour une dernière cigarette.
L’amitié pour compagnon de route
À la poupe du navire, les soldats se regroupent par petits paquets, les flammes de briquets illuminant brièvement le pont maintenant plongé dans l’obscurité. Une fumée provenant d’un feu proche entoure le Dumont d’Urville, ajoutant à l’atmosphère déjà pesante de la soirée.
C’est une occasion de retrouvailles pour certains réservistes qui viennent de divers horizons sociaux et géographiques. Des nouvelles sont échangées : certains anciennement légionnaires, d’autres vétérans du Kosovo ou d’Afrique. Les anecdotes drôles ou émouvantes se succèdent, mêlées de confidences parfois lourdes de vécu.
Réapprendre à vivre
L’obscurité favorise les confidences : « Après mon départ de l’armée, quand je suis revenu à Tahiti, ma fiancée avait peur de moi. J’étais devenu agressif. J’ai erré, m’alcoolisant, cherchant des bagarres. J’ai découvert que quelque chose n’allait pas… » raconte un soldat avec émotion. À travers ses yeux, il partage son chemin vers la réhabilitation, tenté de retrouver l’équilibre par l’effort physique et la randonnée, finissant par décrocher un travail. « Je suis manutentionnaire, et le week-end, j’accompagne mes collègues dans des randonnées. On m’a proposé d’autres responsabilités, mais je préfère rester avec mes gars. »
Pour ces hommes, il est question de retrouver des moments de camaraderie, et tant que ces liens perdurent, ils continuent d’évoquer la « fortune » de l’amitié et du support mutuel.