60 jours sur l’île déserte d’Eiao : remonter l’histoire des Polynésiens aux Marquises

Pendant deux mois, une équipe scientifique a vécu en totale autonomie sur l’île d’Eiao, aux Marquises, pour explorer les traces des premiers habitants du fenua. Un défi humain et scientifique au cœur d’un territoire sauvage, porteur de mémoire et d’enseignements pour toute la Polynésie.

Une expédition inédite au nord de l’archipel

Perdue à plus de 100 km au nord de Nuku Hiva, l’île d’Eiao est l’une des terres les plus isolées de la Polynésie française. Déserte, battue par les vents, elle abrite pourtant des vestiges majeurs du peuplement ancien des Marquises. C’est sur ce bout de terre aride qu’une équipe composée d’archéologues, de naturalistes, de guides marquisiens et de jeunes étudiants a posé ses valises pour 60 jours d’exploration, d’avril à juin 2010.

  • Objectif : inventorier les sites archéologiques, collecter des données sur la faune, la flore et les traces humaines
  • Vie en autonomie complète : campement, ravitaillement par bateau, gestion de l’eau et de l’énergie
  • Collaboration avec les autorités locales et l’association Motu Haka pour valoriser le patrimoine marquisien

« Eiao, c’est un livre ouvert sur notre passé. Chaque pierre, chaque pétroglyphe raconte l’histoire de nos ancêtres, » confie Tane, guide originaire de Ua Pou.

Sur les traces des premiers Polynésiens

Les archéologues ont recensé des dizaines de plateformes d’habitat, de marae, de vestiges de fours et de pétroglyphes, témoignant d’une occupation humaine ancienne et structurée. Les relevés topographiques, les prélèvements de sédiments et l’étude des restes alimentaires permettent de mieux comprendre les modes de vie, l’organisation sociale et les échanges entre les îles marquisiennes et le reste du Pacifique.

  • Datation des sites : certains vestiges remontent à plus de 1 000 ans
  • Découverte d’outils en pierre, de coquillages travaillés, de fragments de poterie
  • Analyse des restes végétaux et animaux pour reconstituer l’environnement d’origine

« Nous avons retrouvé des outils en basalte venus d’autres îles, preuve que les anciens naviguaient loin et échangeaient déjà des ressources, » explique Hina, archéologue de l’équipe.

Un laboratoire naturel pour la biodiversité

Au-delà de l’archéologie, Eiao est un sanctuaire pour la biodiversité. Les naturalistes ont recensé plusieurs espèces endémiques d’oiseaux, de lézards et de plantes, mais aussi les traces de l’impact humain passé : déforestation, introduction de chèvres sauvages, érosion des sols. La mission vise aussi à documenter l’état de l’environnement, pour mieux protéger ce patrimoine unique.

  • Observation du monarque d’Eiao, oiseau endémique menacé
  • Étude des plantes médicinales et alimentaires utilisées par les anciens
  • Suivi de la régénération naturelle après l’abandon de l’île au XXe siècle

« Eiao est un laboratoire à ciel ouvert : comprendre son histoire, c’est aussi anticiper les défis écologiques de demain, » souligne un naturaliste de l’équipe.

Un défi humain et logistique

Vivre 60 jours sur Eiao, c’est aussi relever un défi d’endurance et de solidarité. L’équipe a dû composer avec l’isolement, la rareté de l’eau douce, les tempêtes et les aléas du ravitaillement. Les journées étaient rythmées par les fouilles, les relevés, la collecte de données, mais aussi par la vie collective, les veillées et les échanges avec les Marquisiens venus en visite.

  • Gestion collective du campement et des ressources
  • Partage des savoirs entre scientifiques, guides et jeunes du fenua
  • Moments de transmission orale et de chants marquisiens au coin du feu

« C’est une expérience qui soude, qui rapproche des racines et qui donne envie de transmettre, » témoigne un étudiant polynésien participant à la mission.

Perspectives : valoriser et préserver le patrimoine d’Eiao

À l’issue de la mission, les résultats seront partagés avec les communautés marquisiennes, les écoles et les institutions culturelles du fenua. L’objectif est de renforcer la connaissance et la fierté du patrimoine local, mais aussi d’encourager la préservation de ce site exceptionnel, menacé par l’érosion et les espèces invasives.

  • Organisation d’expositions et de conférences dans les Marquises et à Tahiti
  • Propositions pour classer Eiao au patrimoine mondial de l’UNESCO
  • Développement de projets éducatifs et de visites encadrées pour les jeunes

« Eiao appartient à tous les Marquisiens, à tous les Polynésiens. C’est notre mémoire, notre force et notre avenir, » conclut un membre de l’association Motu Haka.

Pour découvrir d’autres reportages sur le patrimoine et les missions scientifiques dans les archipels, retrouvez nos dossiers sur Tahiti Presse.

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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