Le procès des emplois fictifs, qui se déroule actuellement au Tribunal correctionnel de Papeete, met sous les feux des projecteurs le Service des Affaires polynésiennes (SAP), un organisme controversé dont le rôle et l’existence même suscitent de nombreuses interrogations. Sous la présidence de Gaston Flosse, le SAP a changé de nom à plusieurs reprises, correspondant ainsi aux nombreuses modifications du système dont il dépendait.
Le SAP, initialement composé de 17 agents à sa création, a connu une expansion rapide, atteignant jusqu’à 140 agents en 2004. Sa mission principale semblait être d’aider les familles polynésiennes avec leurs dossiers de demande d’aide, mais les témoignages au tribunal révèlent un visage bien plus complexe et controversé de ce service.
Un système clientéliste en place
Des enquêtes ont révélé que les familles bénéficiaires des aides devaient adhérer au Tahoeraa Huiraatira, le parti politique de Gaston Flosse. La veille des élections, ces familles recevaient des enveloppes contenant le bulletin de vote du parti. Cette procédure montre à quel point le SAP était utilisé comme une machine électorale plutôt que comme un service d’aide publique.
Le SAP disposait d’antennes dans presque toutes les communes de Tahiti et des îles, sauf à Faa’a. La création de ces antennes et le recrutement des agents étaient exclusivement décidés par Gaston Flosse, révélant une centralisation du pouvoir et une utilisation du SAP à des fins purement politiques.
Des accusations de postes fictifs
Le nombre impressionnant d’agents du SAP n’était pas proportionnel à l’activité réelle du service. En effet, la Chambre territoriale des comptes a montré que seulement 0,6 dossier par agent était traité chaque jour. La chef de service, qui a dirigé le SAP de 1986 à 2004, a aussi avoué que les agents étaient souvent payés sans réellement travailler.
Lors des audiences du procès, il a également été révélé que ces agents avaient pour mission de faire du porte-à-porte pour communiquer les consignes de la présidence aux familles, assurant ainsi un réseau de communication gauchement dissimulé en service social.
L’impact sur la politique polynésienne
Le SAP se présentait également comme un intermédiaire influent dans l’attribution de logements sociaux (fare MTR), classant les dossiers en fonction de leur priorité d’attribution. Les bons d’adhésion au parti Tahoeraa étaient souvent une condition implicite pour bénéficier des services du SAP, ce qui soulève des préoccupations éthiques quant à l’usage de ressources publiques à des fins partisanes.
L’ancien chef de cabinet de Gaston Flosse, Marcel Tuihani, a défendu le service en arguant que le SAP compensait le manque de communication des médias locaux auprès des populations vulnérables. Néanmoins, cette justification semble insuffisante au vu des pratiques de favoritisme et de clientélisme révélées.
Le procès continue, avec des révélations qui mettent à nu un système qui aurait permis à Gaston Flosse de maintenir un long règne sur la politique polynésienne en utilisant les moyens de l’État et ses agents comme outils de promotion politique.