Depuis début avril, Air Tahiti a lancé une campagne de pesée de ses passagers dans huit aéroports du fenua. Une opération technique visant la sécurité des vols, mais qui suscite aussi interrogations et débats sur la vie privée.
Pourquoi cette campagne de pesée ?
Depuis le 2 avril 2025, Air Tahiti a déployé des dispositifs de pesée dans huit aéroports polynésiens : Tahiti, Huahine, Bora Bora, Rangiroa, Hao, Tubuai, Nuku Hiva et Rarotonga. Objectif : peser plus de 13 000 passagers sur 600 vols d’ici la fin de l’année, afin de réactualiser la masse forfaitaire utilisée pour le calcul des charges à bord.
Cette opération, renouvelée tous les cinq ans, répond à une exigence réglementaire et à des contraintes locales fortes : pistes courtes, obstacles naturels, météo changeante, et nécessité d’optimiser chaque kilo embarqué. Le poids total des passagers, des bagages et du fret détermine la quantité de carburant nécessaire, la répartition des sièges et la sécurité du vol. Une mauvaise estimation peut mettre en péril l’équilibre de l’appareil, notamment lors du décollage ou de l’atterrissage.
Un enjeu de sécurité… et de santé publique
Entre 2004 et 2020, Air Tahiti a constaté une augmentation du poids moyen de ses passagers de 8,4 kg, avec des pics de +10 kg dans certaines zones comme les Australes ou les Tuamotu Est. Cette évolution a déjà conduit la compagnie à réduire le nombre de sièges disponibles sur certains vols, et à revoir régulièrement ses calculs de charge.
Cette tendance, observée aussi dans d’autres régions du monde, n’est pas sans conséquence sur la santé publique. Comme le relèvent certains observateurs, l’augmentation du poids moyen est un indicateur préoccupant pour la population, mais aussi un défi logistique et économique pour le transport aérien régional.
Une procédure confidentielle mais contestée
Consciente du caractère sensible de la démarche, Air Tahiti a mis en place un protocole strict : la pesée s’effectue dans un espace isolé, en salle d’embarquement, avec bagages à main et effets personnels. Les parents voyageant avec un bébé montent sur la balance avec leur enfant. Seul l’agent d’Air Tahiti et le passager voient le chiffre affiché ; aucune donnée personnelle ni référence de réservation n’est enregistrée.
Malgré ces garanties, la campagne suscite des réactions partagées. Certains voyageurs l’estiment intrusive, voire humiliante, d’autres la jugent indispensable à la sécurité de tous. Le débat n’est pas propre à la Polynésie : Hawaiian Airlines ou d’autres compagnies ont déjà mené des campagnes similaires, parfois contestées pour leur impact sur la vie privée ou la perception de “grossophobie”.
Des contraintes propres au fenua
En Polynésie, les vols inter-îles sont soumis à des contraintes structurelles fortes : pistes courtes, obstacles sur la trajectoire de décollage, nécessité de transporter du carburant pour de longues distances. Il n’est pas rare que des avions affichent complet à la réservation mais partent avec des sièges vides pour respecter la masse maximale au décollage.
Sur certaines destinations comme Maupiti ou Takaroa, la capacité d’emport est ainsi fortement réduite. Cette réalité, peu visible pour le grand public, explique la nécessité d’une gestion très fine des poids à bord.
Optimiser la sécurité, préserver la confiance
Une fois la campagne terminée, Air Tahiti mettra à jour la masse forfaitaire utilisée pour les cinq prochaines années. Cette démarche vise à garantir la sécurité des vols, mais aussi à adapter l’offre de transport aux réalités du fenua. Reste à trouver le bon équilibre entre exigences techniques, respect de la vie privée et acceptabilité sociale.
Pour aller plus loin sur la modernisation de la flotte et les enjeux du transport aérien en Polynésie, retrouvez notre article : Transport aérien en Polynésie : Air Tahiti et Air Moana en plein essor.