Deuxième volet de notre série : la filière du rhum polynésien s’engage dans la reconnaissance d’une Indication Géographique Protégée (IGP). Quels sont les enjeux de cette démarche collective ? Comment ce label pourrait-il transformer le secteur et garantir l’authenticité du rhum du fenua ?
À l’occasion du RhumFest Paris, rendez-vous incontournable des amateurs et professionnels du spiritueux, Tahiti Presse vous propose une série d’articles inédits pour plonger au cœur de la filière du rhum polynésien.
Une démarche collective après six ans de travail
Après plusieurs années de concertation, le syndicat des producteurs de rhum agricole de Polynésie française a officiellement déposé, début 2025, une demande de reconnaissance d’Indication Géographique Protégée (IGP) « Rhum de Polynésie française ». Cette initiative, soutenue par la Direction de l’agriculture et le Pays, vise à protéger le savoir-faire local, la traçabilité et la qualité des rhums issus des différentes îles du fenua.
La démarche IGP rassemble aujourd’hui les principaux acteurs de la filière : Mana’o, Manutea, Pari Pari, Tamure, Avatea, et d’autres distilleries engagées dans la production de rhum pur jus de canne. Malgré la concurrence, l’ensemble des producteurs s’est accordé sur un cahier des charges strict, garantissant l’origine polynésienne de la canne, la fermentation et la distillation locales, ainsi que le respect des méthodes traditionnelles.
Quels avantages pour la filière ?
L’obtention de l’IGP représente un enjeu majeur pour la filière rhum en Polynésie. D’abord, elle protège le nom « rhum de Polynésie française » contre les usurpations et contrefaçons, en France comme à l’international. Elle garantit au consommateur l’origine, la qualité et l’authenticité du produit, tout en valorisant le patrimoine végétal et culturel du fenua.
Pour les producteurs, l’IGP ouvre aussi la porte à de nouveaux marchés, notamment à l’export. Elle permet de se différencier sur un marché mondial très concurrentiel, où la traçabilité et l’histoire du produit sont de plus en plus recherchées. Enfin, le label encourage la montée en gamme, la transparence et l’innovation au sein de la filière.
Un cahier des charges exigeant
Le cahier des charges de l’IGP impose plusieurs critères : la canne à sucre doit être cultivée en Polynésie française, le jus extrait frais, fermenté et distillé localement, sans ajout de mélasse ni d’arômes artificiels. Les mentions « rhum blanc », « rhum vieux », ou encore le nom de l’île de production pourront être apposées uniquement sur les produits respectant l’ensemble du process local.
Cette exigence vise à préserver l’identité du rhum polynésien, à garantir la qualité et à renforcer la confiance des consommateurs. Elle impose également aux producteurs une rigueur accrue dans la gestion de leurs approvisionnements et de leurs procédés.
Quels délais et quelles perspectives ?
La reconnaissance locale de l’IGP pourrait intervenir d’ici un an, avant une éventuelle reconnaissance européenne sous deux ans. À terme, cette certification pourrait servir de modèle pour d’autres filières d’excellence polynésiennes, comme le monoï, la vanille ou le tamanu.
Pour la filière rhum, l’IGP est un levier de développement économique, de rayonnement international et de préservation du patrimoine polynésien. Mais elle suppose aussi une mobilisation collective durable et une capacité à faire évoluer les pratiques pour répondre aux attentes du marché.