Polynésie française : pourquoi l’ONU s’invite dans le débat sur l’indépendance

Polynésie française : pourquoi l’ONU s’invite dans le débat sur l’indépendance

Pour la première fois, indépendantistes et autonomistes polynésiens défendent séparément leur vision de l’avenir du fenua devant le Comité de décolonisation de l’ONU. Cette étape inédite ravive le débat sur l’indépendance et l’autonomie, alors que la Polynésie française est inscrite depuis plus de dix ans sur la liste des territoires à décoloniser. Quelles sont les raisons de cette présence à l’ONU ? Quels enjeux pour la société polynésienne ?

Depuis le 21 mai, les regards se tournent vers Dili, au Timor oriental, où le Comité spécial de décolonisation des Nations unies examine la situation de la Polynésie française. Deux délégations, l’une indépendantiste, l’autre autonomiste, y exposent des visions opposées de l’avenir du territoire. Inscrite à l’ONU en 2013 comme territoire à décoloniser, la Polynésie française se retrouve aujourd’hui au cœur d’un débat institutionnel majeur : entre revendication d’indépendance et défense d’une autonomie renforcée, la parole polynésienne s’affirme désormais sur la scène internationale. Retour sur les raisons et les enjeux de cette mobilisation inédite.

Un territoire au cœur des débats internationaux

La Polynésie française figure depuis 2013 sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser, une inscription obtenue sous l’impulsion du Tavini Huiraatira, parti indépendantiste. Cette reconnaissance par l’ONU a ouvert la voie à un suivi international du processus de décolonisation, même si la France, puissance administrante, a longtemps boudé les débats onusiens. Depuis peu, Paris participe à nouveau aux discussions, signe d’une évolution du contexte régional.

Cette année, la nouveauté réside dans la présence de deux délégations polynésiennes distinctes : les indépendantistes, au pouvoir depuis 2023, plaident pour une feuille de route vers l’autodétermination ; les autonomistes, eux, souhaitent démontrer que l’autonomie actuelle répond déjà aux aspirations de la population et demandent à l’ONU de constater sur place la réalité du statut polynésien.

Deux visions pour l’avenir du fenua

Pour les indépendantistes, la participation au Comité de décolonisation est l’occasion de rappeler la nécessité d’un référendum d’autodétermination. « C’est à cause de l’État si nous n’avançons pas. Nous voulons ouvrir un vrai dialogue sur la décolonisation », explique Antony Géros, président de l’Assemblée de la Polynésie française. Le Tavini Huiraatira met en avant la lutte antinucléaire, la préservation de l’identité ma’ohi et la volonté de créer une citoyenneté propre au fenua.

Face à eux, les autonomistes insistent sur la large autonomie dont bénéficie déjà la Polynésie française. « On a les pleins pouvoirs en matière de fiscalité, d’emplois, de logement… On n’est absolument pas sous le joug de la République française, comme le présentent les indépendantistes », affirme Moerani Frébault, élue du camp autonomiste. Selon eux, la majorité des Polynésiens n’est pas favorable à l’indépendance, et l’enjeu prioritaire reste le développement économique et social des archipels.

Des enjeux qui dépassent Tahiti

Si le débat institutionnel agite la classe politique, il concerne aussi l’ensemble des habitants du fenua, des Marquises aux Australes. Dans les îles éloignées, certains expriment leur attachement à l’autonomie, tout en réclamant plus de moyens pour le développement local. D’autres, notamment parmi la jeunesse, s’interrogent sur l’avenir économique, l’emploi et la préservation de la culture ma’ohi.

La question de la citoyenneté, du partage des compétences et de la solidarité entre archipels est au cœur des discussions. Pour beaucoup, l’essentiel est que la voix des Polynésiens soit entendue, quelle que soit l’issue du débat institutionnel.

Au-delà des institutions, la question des commémorations  en Polynésie du 29 juin occupe aussi une place centrale dans les débats sur l’identité polynésienne. Le choix des dates officielles, entre mémoire de l’autonomie et retour aux racines culturelles, continue de susciter de vives discussions au sein du fenua et dans tous les archipels.

Une étape vers plus de visibilité internationale

La présence de deux délégations polynésiennes à l’ONU marque une étape dans la reconnaissance de la diversité des opinions au sein du territoire. Ce dialogue inédit sur la scène internationale témoigne d’une maturité politique croissante et d’une volonté de faire entendre la parole du fenua au-delà du Pacifique.

Alors que le ministre des Outre-mer est attendu prochainement à Tahiti pour évoquer la question statutaire, les discussions à l’ONU rappellent que l’avenir de la Polynésie française se construit aussi dans l’écoute et le respect des aspirations de tous ses habitants.

La suite du débat dépendra autant des choix politiques locaux que de l’évolution du contexte international, mais une chose est sûre : la Polynésie française entend désormais peser sur son destin, en faisant entendre la pluralité de ses voix.

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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