Troisième volet de notre série : la canne à sucre polynésienne, héritière d’un patrimoine végétal unique, est au cœur de la qualité et de la singularité du rhum du fenua. Quelles sont ses variétés ? Comment est-elle cultivée et sélectionnée ? Rencontre avec ceux qui perpétuent ce savoir-faire.
À l’occasion du RhumFest Paris, rendez-vous incontournable des amateurs et professionnels du spiritueux, Tahiti Presse vous propose une série d’articles inédits pour plonger au cœur de la filière du rhum polynésien.
Un patrimoine végétal hérité des ancêtres
La canne à sucre fait partie des plantes dites « compagnonnes » introduites par les premiers navigateurs polynésiens. Au fil des siècles, elle s’est adaptée aux sols volcaniques et au climat du fenua, donnant naissance à des variétés uniques, dont la célèbre O’Tahiti. Cette canne, à la tige fine et à la richesse aromatique reconnue, est aujourd’hui le pilier de la filière rhum agricole en Polynésie française.
Des recherches menées par des botanistes locaux et des agriculteurs passionnés ont permis d’identifier et de préserver plusieurs lignées anciennes. Certaines familles, notamment à Papara, Moorea ou Taha’a, ont joué un rôle clé dans la sauvegarde de ces ressources, parfois menacées par l’abandon des cultures ou l’introduction de variétés importées.
Variétés et sélection : la force de la diversité
Si la O’Tahiti reste emblématique, d’autres variétés sont également cultivées, sélectionnées pour leur adaptation aux microclimats et pour la diversité de leurs profils aromatiques. À Taha’a, par exemple, certains planteurs expérimentent des croisements et des sélections pour améliorer la résistance aux maladies et la productivité. À Rangiroa ou à Moorea, la canne s’épanouit sur des sols coralliens ou volcaniques, offrant des nuances gustatives inédites.
La sélection s’effectue souvent à petite échelle, avec des méthodes traditionnelles, mais aussi grâce à l’appui de la recherche agronomique. L’objectif : préserver la biodiversité tout en garantissant un approvisionnement régulier et de qualité aux distilleries locales.
Un savoir-faire agricole en mutation
La culture de la canne à sucre en Polynésie reste majoritairement artisanale. Les parcelles, souvent de taille modeste, sont travaillées en famille ou en petits collectifs. Certaines exploitations s’orientent vers l’agriculture biologique ou la permaculture, misant sur la valorisation du terroir et la préservation de l’environnement.
La récolte, généralement manuelle, se fait à maturité optimale pour garantir la richesse en sucres et la fraîcheur du jus. Ce savoir-faire, transmis de génération en génération, est aujourd’hui partagé avec une nouvelle vague de jeunes agriculteurs, motivés par la demande croissante des distilleries et la reconnaissance du rhum polynésien à l’international.
Enjeux et perspectives pour la filière
Le développement de la filière rhum agricole passe par la sécurisation de l’approvisionnement en canne à sucre. Les surfaces cultivées restent limitées (environ 70 hectares en 2025), mais les ambitions sont fortes : atteindre 1 000 hectares et diversifier les terroirs. Les défis sont nombreux : accès au foncier, adaptation au changement climatique, lutte contre les maladies, mais aussi formation et accompagnement des agriculteurs.
La valorisation des variétés locales et la montée en gamme du rhum polynésien sont indissociables d’une agriculture durable et innovante, capable de répondre aux attentes des marchés et des consommateurs.