En 1962, Marlon Brando pose le pied sur Tetiaroa pour tourner « Les Révoltés du Bounty ». Fasciné par la beauté sauvage de l’atoll et séduit par la culture polynésienne, l’acteur iconique va lier à jamais son destin à cette île hors du temps. Retour sur la rencontre fondatrice entre une légende hollywoodienne et un joyau du Pacifique, prélude à une aventure humaine, écologique et culturelle unique.<br>
<em>Ce récit s’inscrit dans notre série consacrée à l’histoire, à la nature et à l’écotourisme de Tetiaroa.</em>
Les Révoltés du Bounty, le tournage en Polynésie qui change le destin de Brando
Lorsque Marlon Brando débarque en Polynésie française au début des années 1960, il ne se doute pas que ce voyage va bouleverser sa vie. Venu incarner le capitaine Fletcher Christian dans le film « Les Révoltés du Bounty », l’acteur découvre non seulement un décor naturel à couper le souffle, mais aussi un peuple et des traditions qui le marqueront profondément.
Le tournage, qui se déroule entre Tahiti, Moorea et Bora Bora, est émaillé d’anecdotes et de rebondissements. Brando, déjà star mondiale, se distingue par sa curiosité et son désir de s’immerger dans la culture locale. Il apprend quelques mots de reo tahiti, partage des repas avec les habitants et s’éloigne des habitudes hollywoodiennes. Sur le plateau, il fait la connaissance de Tarita Teriipaia, jeune actrice originaire de Bora Bora, qui incarne son épouse à l’écran. Leur histoire d’amour, née sous les projecteurs, se prolongera bien au-delà du film.
Anecdote marquante : pendant ses pauses sur le tournage, Brando surprenait l’équipe en se mêlant aux Polynésiens, préférant leur compagnie à celle des stars et producteurs. Il se promenait souvent pieds nus, vêtu d’un simple sarong, un sac de palme tressée à la main, cherchant à comprendre la vie quotidienne des insulaires plutôt que de profiter des privilèges réservés aux célébrités.
La révélation de Tetiaroa
C’est lors d’une excursion organisée pendant le tournage que Marlon Brando découvre Tetiaroa. L’atoll, alors propriété de la famille royale Pomare, est peu connu des étrangers. Brando est immédiatement frappé par la beauté sauvage du lagon, la pureté du sable et la richesse de la faune. Il décrit plus tard cette première visite comme un choc esthétique et spirituel : « Tetiaroa est belle au-delà de ma capacité à décrire. »
Pour Brando, Tetiaroa n’est pas seulement un décor de rêve : il y perçoit un lieu de paix, d’harmonie et de simplicité, en contraste avec la frénésie de sa vie hollywoodienne. Il se lie d’amitié avec des habitants de Tahiti, échange avec des anciens sur les légendes de l’atoll, et commence à rêver d’un projet de vie radicalement différent.
« Mon esprit s’apaise toujours quand je m’imagine, la nuit, assis sur mon île du Pacifique… », écrira-t-il dans son autobiographie « Les chansons que m’apprenait ma mère » (1994). Peut-être voyait-il en Tetiaroa un prolongement de lui-même, à des milliers de kilomètres d’Hollywood.
Marlon Brando à Tetiaroa : Un rêve d’acquisition et d’intégration
Dès la fin du tournage, Marlon Brando formule le souhait d’acquérir Tetiaroa. Les négociations sont longues et complexes : l’atoll appartient alors à la famille Pomare et sa gestion est encadrée par les autorités polynésiennes. Selon les témoignages locaux, Brando a dû d’abord convaincre une vieille dame aveugle, ultime héritière d’un dentiste anglais qui s’était installé en 1909 sur ce cerceau de treize motus pour y produire du coprah.
En 1966, il obtient finalement un bail emphytéotique de 99 ans, devenant ainsi le gardien de l’atoll. Il partage son temps entre Los Angeles et la Polynésie, s’installe régulièrement à Tetiaroa avec Tarita et leurs enfants, et adopte un mode de vie simple : paréo, pêche, cuisine locale, longues discussions avec les habitants et les anciens. Brando se passionne pour la culture mā’ohi, s’intéresse aux récits des anciens et tente d’apprendre la langue.
« Si j’en ai le pouvoir, Tetiaroa restera toujours un endroit qui rappellera aux Tahitiens ce qu’ils sont et ce qu’ils étaient des siècles auparavant. »
Marlon Brando
Tetiaroa, la vision écologique et humaine de Brando
Brando ne se contente pas d’être un propriétaire discret. Il rêve de faire de Tetiaroa un modèle d’équilibre entre l’homme et la nature. Il accueille des scientifiques, des amis artistes comme Robert De Niro et Quincy Jones, des chercheurs et des familles polynésiennes pour partager son idéal d’autosuffisance et de respect de l’environnement. Il imagine des projets d’agriculture biologique, d’élevage de tortues et de homards, et de tourisme responsable bien avant l’heure.
Malgré les difficultés logistiques et les limites techniques de l’époque, Brando pose les bases de ce qui deviendra, des décennies plus tard, un laboratoire d’écotourisme et de conservation. Son engagement pour la préservation de la biodiversité et la valorisation des savoirs traditionnels inspire encore aujourd’hui les équipes de la Tetiaroa Society et les acteurs locaux.
Témoignage de Léopold Aries, pêcheur polynésien qui a côtoyé l’acteur : « Pour nous, Marlon n’était pas une star, mais un homme qui respectait notre terre et nos traditions. Il était particulièrement attaché au motu Tahuna Rahi, lieu de reproduction des oiseaux marins. Il disait souvent que ces oiseaux étaient là depuis toujours, comme les Indiens d’Amérique, et qu’ils avaient des droits sur cet atoll que lui, simple propriétaire, se devait de respecter. »
L’héritage d’une rencontre entre un homme et une île de Polynésie.
La relation entre Marlon Brando et Tetiaroa dépasse la simple histoire d’un homme célèbre tombé amoureux d’une île. Elle marque le début d’une aventure collective, où se croisent mémoire royale, engagement écologique et ouverture au monde. Brando laisse une empreinte indélébile sur l’atoll, mais aussi sur la Polynésie, en inspirant de nouvelles générations à préserver et valoriser leur patrimoine.
Cette rencontre fondatrice ouvre la voie aux chapitres suivants de l’histoire de Tetiaroa : la transmission du rêve, la création d’un éco-resort de luxe, et la transformation de l’île en modèle de développement durable. Autant de thèmes qui seront explorés dans les prochains articles de notre série.
« Vous ne pouvez pas amener la culture ici, vous devez vous adapter à la leur. »
Marlon Brando
Retrouvez les articles de la série « Tetiaroa, histoire, nature et écotourisme au cœur du Pacifique » :
- Tetiaroa, île royale et sanctuaire naturel du Pacifique
- Marlon Brando et la découverte d’un paradis polynésien (cet article)
- Bientôt : De l’utopie à la réalité : transmission et renaissance de Tetiaroa
- Bientôt : The Brando : un modèle d’écotourisme de luxe
- Bientôt : Préserver Tetiaroa : recherche, tradition et développement durable