Starlink et OneWeb : la bataille de l’internet par satellite secoue la Polynésie

Starlink et OneWeb : la bataille de l’internet par satellite secoue la Polynésie

L’arrivée de Starlink et OneWeb bouleverse le paysage numérique polynésien. Alors que les habitants des archipels réclament un accès fiable et rapide à internet, la concurrence entre ces deux géants du satellite promet de transformer le quotidien, mais suscite aussi de vifs débats sur l’avenir du service public, l’emploi local et la souveraineté technologique du fenua.

Un accès internet inégal, une attente forte dans les îles

En Polynésie française, la fracture numérique reste une réalité pour de nombreux habitants des archipels éloignés. Malgré les investissements massifs de l’OPT dans les câbles sous-marins, le débit reste souvent limité et les coupures fréquentes. Pour certains, il est encore difficile d’envoyer un simple mail avec des pièces jointes ou d’assurer une connexion stable pour le télétravail et les démarches administratives.

« S’il y avait encore l’internet de Mana, on ne pourrait pas… sinon il faut que tout le monde se déconnecte pour au moins envoyer un mail ! Pas encore de photos, pas encore d’images. C’était un problème au niveau du travail. »
Bianca Urarii, habitante de Rikitea et professionnelle du tourisme

Face à ces difficultés, l’arrivée de starlink en polynesie a été vécue comme une petite révolution par de nombreux usagers. Avec des débits annoncés jusqu’à 200 mégabits par seconde et une installation simplifiée, la solution d’Elon Musk séduit, malgré l’interdiction officielle d’importation et d’utilisation pour les particuliers.

Starlink : une solution rapide mais controversée

Starlink, qui revendique déjà 5 millions de clients dans le monde et près de 6 000 satellites en orbite, s’impose comme une alternative immédiate pour les foyers et entreprises des îles. Son modèle direct au consommateur, sans passer par les opérateurs locaux, permet d’obtenir un accès rapide et puissant à internet, pour un tarif autour de 15 000 Fcfp par mois.

Mais cette facilité inquiète les acteurs locaux. L’OPT et sa filiale Onati rappellent que le service public assure la connexion de toutes les îles, y compris les plus isolées, au prix d’un déficit annuel de 1,5 milliard Fcfp. Le développement de Starlink, sans fiscalité ni emploi local, fait craindre une fragilisation du tissu économique polynésien.

« On va dans toutes les îles de la Polynésie contrairement à nos chers concurrents et ça nous coûte chaque année un déficit de 1,5 milliard cfp environ. Donc, le groupe OPT l’assure comme une mission de service public… et sans moyens de financements nouveaux, on va avoir de plus en plus de mal à offrir des solutions abordables dans les îles. »
Tehina Thuret, directeur technique de Onati

OneWeb, l’alternative soutenue par le Pays

Pour répondre à la demande croissante et préserver l’économie locale, le gouvernement polynésien et l’OPT misent sur OneWeb, constellation européenne de satellites en orbite basse. Depuis mars 2024, 18 antennes OneWeb sont opérationnelles à Papenoo et les premières connexions dans les îles Australes sont prévues dès juillet.

OneWeb promet un débit supérieur à l’actuel fournisseur Intelsat, pour un coût divisé par trois pour l’opérateur. L’objectif affiché : proposer aux habitants des îles éloignées une offre à 6 mégabits pour 6 100 Fcfp par mois, soit six fois plus rapide que les offres actuelles au même prix.

Solution Débit annoncé Prix mensuel (indicatif) Intégration locale Disponibilité
Starlink Jusqu’à 200 Mbps 15 000 Fcfp Faible Déjà utilisée (officieuse)
OneWeb 6 Mbps (prévu) 6 100 Fcfp (prévu) Forte (OPT/Onati) Déploiement en cours
Onati/Intelsat 1 Mbps 6 100 Fcfp Totale Présent dans toutes les îles

Des habitants partagés entre attentes et incertitudes

Si l’alternative OneWeb est accueillie avec espoir, les habitants restent prudents. Beaucoup attendent de voir si la promesse d’un meilleur débit et d’un prix compétitif sera tenue, après des années de frustration numérique.

« Nous sommes prêts à accepter OneWeb, mais il faudrait que le prix et la qualité soient au rendez-vous. »
Marcel Pop, habitant de Raivavae et gérant d’un web-café

D’autres s’interrogent sur la capacité du Pays à offrir un service aussi performant que Starlink, qui a déjà changé le quotidien de nombreux foyers. La question de la souveraineté numérique, de la fiscalité et de l’emploi local reste au cœur des débats.

Quels enjeux pour la Polynésie ?

  • Égalité numérique : permettre à chaque île, même la plus isolée, d’accéder à un internet fiable et rapide.
  • Préservation de l’emploi local : garantir que le développement du numérique profite à l’économie et aux salariés du fenua.
  • Souveraineté technologique : garder la maîtrise des infrastructures stratégiques et des données polynésiennes.

« S’il venait à détenir le monopole, Starlink pourrait couler les fournisseurs locaux. Ce sera alors la case chômage pour des centaines de Polynésiens. »

Vers une révolution numérique… sous conditions

La Polynésie française se trouve à un tournant de son histoire numérique. Entre la tentation d’une solution satellitaire rapide et globale, et la volonté de préserver un modèle économique local, la bataille entre Starlink et OneWeb ne fait que commencer. Les habitants, eux, attendent avant tout des réponses concrètes à leurs besoins : un internet fiable, abordable et accessible, partout dans les archipels.

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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