Le Ura, oiseau sacré de Rimatara est-il en train de disparaître ? La mobilisation d’une île face à l’urgence

Le Ura, oiseau sacré de Rimatara est-il en train de disparaître ? La mobilisation d’une île face à l’urgence

Rimatara, Australes.Sur cette petite île du bout du monde, le ‘Ura – le lori de Kuhl, au plumage rouge, vert, bleu et jaune – incarne la mémoire vivante et la fierté de tout un peuple. Classé en danger critique d’extinction, il ne subsiste plus que sur Rimatara et, depuis peu, à Atiu (îles Cook), grâce à une mobilisation communautaire exemplaire.

Un joyau menacé par la modernité

Depuis 2019, le ‘Ura est officiellement en danger d’extinction selon l’UICN. Sa population à Rimatara est passée de 1 500 à moins de 500 individus ces dernières années, victime de :

  • la destruction de son habitat naturel (défrichements, urbanisation, constructions touristiques et aéroportuaires) ;
  • l’introduction de prédateurs comme le rat noir ;
  • la pression démographique et les incendies ;
  • les changements climatiques.

En 2025, près de 100 nouvelles maisons doivent encore être construites sur l’île, accentuant la pression sur le dernier sanctuaire du ‘Ura.

 

Une mobilisation communautaire sans précédent

Face à l’urgence, l’association Rima’Ura – forte de plus de 400 membres, soit près de la moitié de la population de l’île – coordonne la lutte pour la survie de l’oiseau.

  • Biosécurité renforcée : chaque bateau et avion est inspecté par des bénévoles et des chiens renifleurs pour empêcher l’arrivée de rats noirs.
  • Surveillance des nids : plus de 200 nids sont suivis grâce à des caméras et des relevés réguliers.
  • Reboisement et marquage des arbres de nidification : les habitants plantent des arbres fruitiers, essentiels à l’alimentation et à la reproduction du ‘Ura, notamment sur le haut plateau inhabité de l’île.
  • Sensibilisation de la population : des ateliers éducatifs sont organisés dans les écoles et auprès des familles pour transmettre l’importance de la préservation du ‘Ura.

« Nous sommes tous mobilisés pour que Rimatara reste un refuge pour le ‘Ura. La moindre négligence peut tout remettre en cause. »
– Boniface Ioane, Association Rima’Ura

 

La jeunesse, gardienne de l’avenir

L’implication des jeunes est un pilier de la réussite. En 2010, huit élèves de Rimatara ont voyagé jusqu’à Atiu pour suivre les traces des ‘Ura réintroduits, découvrant l’importance de la coopération régionale et du dialogue entre communautés.

  • Ce projet éducatif, mené avec la Société d’Ornithologie de Polynésie (Manu), a permis aux enfants de devenir ambassadeurs de la biodiversité.
  • Le concours de ‘örero (art oratoire en reo tahiti) a renforcé la transmission culturelle autour du ‘Ura.

« Ce voyage a changé notre regard sur la nature. Nous savons maintenant que chacun peut agir pour protéger ce qui fait la richesse de notre île. »
– Élève de Rimatara, participant à l’échange avec Atiu

 

Un symbole vivant de l’identité des Australes

Plus qu’un oiseau, le ‘Ura est un lien entre générations et un symbole de la résilience polynésienne :

  • Son nom, ‘Ura, signifie « rouge » en reo tahiti, couleur royale et sacrée.
  • Les plumes du ‘Ura étaient autrefois utilisées lors des cérémonies traditionnelles et dans les échanges entre îles.
  • La réintroduction à Atiu, après 200 ans d’absence, a ravivé les liens culturels et familiaux entre les deux îles.

« Protéger le ‘Ura, c’est préserver notre histoire, notre culture et la beauté de nos îles pour nos enfants. »
– Jeune bénévole de Rimatara

 

Des défis persistants, un engagement renouvelé

Malgré les succès, l’équilibre reste fragile :

  • La pression foncière et l’urbanisation grignotent l’habitat du ‘Ura.
  • Le risque d’introduction de nouveaux prédateurs exige une vigilance quotidienne.
  • Le changement climatique accentue la vulnérabilité des petits écosystèmes insulaires.

L’association Rima’Ura multiplie les initiatives : sorties ornithologiques, sensibilisation, vente de produits pour financer la biosécurité, et projets de jumelage avec d’autres îles.

Le ‘Ura en quelques Chiffres

  • Espèce : Lori de Kuhl (Vini kuhlii)
  • Population à l’état sauvage : moins de 500 individus à Rimatara (2025)
  • Statut UICN : En danger critique d’extinction
  • Dernier habitat naturel : Rimatara (Australes), réintroduction à Atiu (îles Cook)
  • Association Rima’Ura : plus de 400 membres, soit près de la moitié de la population de l’île

Perspectives et appel à la vigilance

L’histoire du ‘Ura montre que la mobilisation locale, la transmission intergénérationnelle et la coopération régionale peuvent inverser le destin d’une espèce menacée. Mais la survie du lori de Kuhl dépendra de la capacité de Rimatara à conjuguer tradition, innovation et solidarité face aux défis du XXIe siècle.

« En protégeant le ‘Ura, nous protégeons notre âme et notre avenir. »
– Membre de la communauté de Rimatara

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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