Le samedi 21 juin à la Pointe Vénus, douze équipages ont participé à la première régate du Heiva va’a taie, marquant l’ouverture des festivités des sports traditionnels polynésiens. Cette compétition de pirogues à voile traditionnelles, qui s’est déroulée en baie de Matavai jusqu’au Motu Martin, témoigne d’une volonté de faire revivre le va’a motu, ces embarcations qui évoluaient autrefois dans la rade de Papeete. Entre transmission culturelle et passion maritime, cette course de 2 kilomètres symbolise la renaissance d’une pratique millénaire au cœur du fenua.
« C’est bon pour tout le monde ? C’est go, c’est reva ! » À 10h00 précises, le signal de départ résonne sur les eaux de la Pointe Vénus. Ce samedi 21 juin, douze pirogues traditionnelles à voile se lancent dans un parcours de 2 kilomètres en baie de Matavai, direction le Motu Martin. Cette première régate du Heiva va’a taie dépasse le simple cadre sportif : c’est tout un pan de la culture polynésienne qui reprend vie.
Santiago Purakaueke de Vairao, rameur de V6 découvrant cette discipline, ne cache pas son émotion : « C’est culturel et j’aime tout ce qui est culturel […] c’est un grand honneur pour moi parce que c’est la première fois que je participe à cette course-là ». Comme lui, les participants de cette première étape du Heiva Tū’aro Mā’ohi 2025 portent une ambition commune : faire revivre les pratiques ancestrales de la pirogue à voile traditionnelle.
Cette renaissance s’inscrit dans un contexte particulier. Alors que le va’a moderne connaît un succès retentissant avec les récentes victoires de Team OPT à la Vodafone Channel Race et les performances exceptionnelles lors du Te Aito 2025, le Heiva va’a taie rappelle les origines profondes de cette passion polynésienne pour la mer. Une tradition que la circulation maritime moderne a chassée de la rade de Papeete, mais qui trouve aujourd’hui un nouveau souffle sur des sites préservés comme la baie de Matavai.
Les festivités se poursuivront du 12 au 14 juillet au parc Vairai avec les autres disciplines du Tū’aro Mā’ohi : lancer de javelot, grimper de cocotier, lever de pierre et course de porteurs de fruits.
Un équipage, trois rôles essentiels
Sur chaque embarcation du Heiva va’a taie, on retrouve une organisation millénaire parfaitement codifiée. Trois postes essentiels composent l’équipage : un barreur qui guide l’embarcation, un capitaine qui coordonne les manœuvres, et enfin un rameur à l’avant qui donne la cadence et la puissance. Cette répartition des rôles, héritée des navigateurs ancestraux, permet aux va’a taie de retrouver leur efficacité d’antan.
Les équipages venus de différentes communes de Tahiti ont pu mesurer l’exigence de cette discipline. Après 2 kilomètres à la force des bras, la fierté d’un équipage de Mahina se lisait déjà dans les yeux de ses membres. « Ça faisait un moment que je n’en avais plus fait, on ne s’est pas entraîné, c’est à l’arrache ! », s’amuse Ariitea Graux, compétiteur et habitant de Mahina, illustrant l’esprit bon enfant qui caractérise ces régates traditionnelles.
Faire renaître le va’a motu d’antan
L’ambition du Heiva va’a taie dépasse largement le cadre de la compétition. Enoch Laughlin, président de la fédération des jeux et sports traditionnels, explique l’enjeu culturel : « C’est affirmer que le va’a taie existe, et surtout l’objectif est de faire (re)vivre le va’a motu, qu’on avait connu à l’époque et qui évoluait dans les tiurai d’antan dans la rade de Papeete ».
« Malheureusement on ne peut plus évoluer dans cette rade, en raison de la circulation maritime »
Cette contrainte moderne a poussé les organisateurs à délocaliser les régates vers des sites préservés comme la Pointe Vénus, permettant aux va’a taie de retrouver des conditions de navigation proches de celles d’autrefois. La baie de Matavai, théâtre historique des premiers contacts entre Polynésiens et Européens, offre un cadre symbolique fort pour cette renaissance culturelle.
Une discipline en plein essor
Teiva Véronique, responsable d’une école de pirogue à voile traditionnelle, nourrit de grandes ambitions pour l’avenir du Heiva va’a taie. Son école participe activement à la transmission de ces savoirs ancestraux, formant de nouveaux navigateurs aux techniques traditionnelles de la voile polynésienne.
« Ça me donne surtout envie qu’il y ait des nouveaux en fait, qu’il y ait de plus en plus de propriétaires, qu’on fasse de plus en plus d’aventures, de courses. Peut-être qu’un jour on sera une vingtaine, une trentaine au Heiva, qui sait… »
Cette vision optimiste s’appuie sur l’engouement croissant pour les pratiques traditionnelles. Le Heiva va’a taie attire chaque année de nouveaux participants, séduits par l’authenticité de cette navigation ancestrale qui contraste avec les sports nautiques modernes.
Un spectacle pour toutes les générations
Au-delà de la compétition, le Heiva va’a taie offre un spectacle magnifique qui fascine toutes les générations. Les familles se pressent sur les rivages de la Pointe Vénus pour admirer ces pirogues à voile qui glissent sur les eaux turquoise de la baie de Matavai. Ce moment de recueillement avant la course, cette communion entre les équipages et la mer, rappellent l’importance spirituelle de la navigation dans la culture ma’ohi.
La fédération encourage d’ailleurs tous les équipages à se présenter en tenue locale et fleurie, renforçant la dimension culturelle de l’événement. Cette approche festive fait du Heiva va’a taie bien plus qu’une simple compétition : un véritable moment de partage et d’échange autour des traditions polynésiennes.
Les sports traditionnels à l’honneur
Le Heiva va’a taie ouvre ainsi les festivités du Heiva Tū’aro Mā’ohi 2025, qui se poursuit avec un programme riche en émotions. Les 12 et 13 juillet au parc Vairai, puis le 14 juillet avenue Pouvanaa a Oopa après le défilé, les spectateurs pourront découvrir l’ensemble des disciplines traditionnelles polynésiennes :
- Lancer de javelot traditionnel
- Courses de porteurs de fruits
- Lutte traditionnelle
- Grimper de cocotier
- Lever de pierre
Cette programmation étalée sur plusieurs semaines permet de valoriser la richesse du patrimoine sportif polynésien, dont le Heiva va’a taie constitue l’une des expressions les plus spectaculaires et les plus chargées d’histoire.
Un héritage à transmettre
Comme le soulignent les récents succès du va’a moderne avec les victoires de Team OPT au Tahiti Nui Va’a 2025, la passion polynésienne pour la navigation ne se dément pas. Le Heiva va’a taie s’inscrit dans cette continuité, offrant aux nouvelles générations l’opportunité de renouer avec les techniques de leurs ancêtres.
Cette première régate de la saison 2025 augure bien de l’avenir de cette discipline traditionnelle. Avec douze équipages déjà engagés et l’ambition d’en rassembler davantage les prochaines années, le Heiva va’a taie pourrait bien devenir l’un des rendez-vous incontournables du calendrier culturel polynésien, perpétuant ainsi l’art millénaire de la navigation à voile dans les eaux du fenua.