Dernier souverain de la dynastie Pōmare, Pomare V incarne la fin de la monarchie tahitienne et l’entrée de Tahiti dans l’ère coloniale française. Son règne, marqué par l’abdication, la protection française et des choix controversés, continue d’alimenter débats et mémoires sur l’histoire de Tahiti.
Qui était Pomare V, roi de Tahiti ?
Pomare V, de son nom complet Teriʻi Nui o Tahiti Teriʻi Taria Teratane, est né en 1839 à Papeete. Héritier de la couronne et fils de la reine Pomare IV, il appartient à la dynastie Pōmare, lignée royale marquée par la bataille de Fe’i-Pi et l’unification de Tahiti. Dès son enfance, il est confronté aux rivalités entre clans, à la politique aux îles sous-le-Vent, et à la présence des missionnaires de la London Missionary Society. Son accession au trône en 1877, après la mort de sa mère, s’inscrit dans une succession dynastique en Polynésie complexe, où les vertus dynastiques et les alliances matrimoniales jouent un rôle clé. Il devient ainsi le dernier roi de Tahiti, à la tête d’un royaume fragilisé par l’influence coloniale, les conflits politiques internes et la pression du protectorat français.
Le couronnement et les défis d’un règne
Le couronnement de Pomare V, célébré à Papeete, incarne la continuité de la monarchie tahitienne et les vertus dynastiques de la lignée Pōmare. Mais il révèle aussi la fragilité du pouvoir royal dans un contexte où la France impose son influence coloniale sur la politique aux îles sous-le-Vent. Pomare V doit gérer les conflits familiaux, les maladies du roi qui affaiblissent sa santé, et une succession dynastique en Polynésie contestée. Les réformes politiques entreprises par Pomare IV, sa mère, n’ont pas suffi à préserver l’indépendance tahitienne. Le roi s’efforce de maintenir l’honneur royal, s’appuyant parfois sur des mariages stratégiques pour renforcer les alliances entre chefferies, mais il se heurte à la détresse économique et à la division de la noblesse.
La couronne de Pomare V, visible sur l’image ci-dessus, symbolise à la fois la grandeur du royaume et la réalité de l’abdication. Une anecdote ironique sur Pomare V circule encore : lors de son couronnement, il aurait plaisanté sur le poids de la couronne, reflet d’un Janus historique Pomare, tiraillé entre tradition et modernité. Le roi, décrit comme sensible et parfois influençable, est la cible de critiques : faiblesse, goût pour les fêtes, ravages de l’alcoolisme, mais aussi courage face à la colonisation européenne et aux tensions internationales.
La cession de Tahiti à la France : un acte historique
Le moment décisif du règne de Pomare V reste l’acte de cession du royaume de Tahiti à la France, signé le 29 juin 1880. Cet acte met fin à la dernière monarchie tahitienne, à la lignée Teriʻi Nui o Tahiti, et marque l’annexion de Tahiti et des îles sous-le-Vent à l’empire colonial français. La décision d’annexion, prise sous la pression du gouverneur français, de certains chefs locaux et des enfants de Pomare V, suscite la controverse : s’agissait-il d’un choix contraint, d’un mariage stratégique avec la France, ou d’une trahison ? Les réactions à l’annexion sont multiples, oscillant entre résignation, colère, et espoir d’une protection française plus stable pour préserver les droits fonciers et les titres royaux.
L’acte de cession prévoit que Pomare V et sa famille conservent certains privilèges, dont une rente, le droit de porter le titre royal et la reconnaissance de la Légion d’honneur. Cette reconnaissance officielle ne suffit pas à effacer le sentiment d’humiliation ressenti par une partie de la population et de la noblesse tahitienne. Les éclaircissements sur Pomare V, sur les significations des titres et sur la succession dynastique en Polynésie, restent au cœur des débats historiques et mémoriels.
Polémiques contemporaines et débats autour de Pomare V
- Accusations récurrentes de trahison ou de faiblesse, notamment lors des débats politiques sur la mémoire du 29 juin et la commémoration de l’annexion.
- Rumeurs sur la cession du royaume « contre une rente » ou sous l’emprise de l’alcool, dénoncées par les descendants de la dynastie Pōmare.
- Usage de la figure de Pomare V dans les discours politiques contemporains, pour défendre ou critiquer l’autonomie et la relation à la France.
- Réactions vives de la société civile et des associations culturelles lors des commémorations, qui rappellent la complexité de l’histoire coloniale et la diversité des mémoires du fenua.
« Pomare V reste un symbole ambivalent : pour certains, il incarne la fin douloureuse de la souveraineté tahitienne ; pour d’autres, il fut un roi pris au piège d’un contexte international qui le dépassait. »
Historien local
La figure de Pomare V cristallise encore aujourd’hui de nombreuses polémiques : son rôle dans la perte de l’indépendance, les conflits familiaux autour de la succession, les maladies du roi évoquées dans les récits populaires, ou encore la question de la légitimité des héritiers actuels de la dynastie Pōmare. Ce Janus historique Pomare, à la fois symbole de la fin d’une ère et d’une mémoire vivace, continue d’inspirer historiens, artistes et militants culturels du fenua.
Le tombeau de Pomare V : un lieu patrimonial à Papeete
Après son abdication, Pomare V se retire de la vie publique et meurt en 1891. Il est inhumé au mausolée royal, le tombeau de Pomare V, situé à Arue, près de Papeete. Ce site, classé monument historique, attire chaque année des visiteurs et des passionnés d’histoire de la Polynésie française. Le mausolée, orné de symboles de la royauté et de la dynastie Pōmare, est un lieu de mémoire, de recueillement et de transmission.
Les touristes peuvent visiter le tombeau de Pomare V, découvrir les stèles funéraires des membres de la famille royale et s’immerger dans l’histoire des îles du Pacifique. Ce lieu rappelle la complexité du passé colonial, la diversité des récits historiques et l’importance de préserver le patrimoine polynésien.
Héritage de Pomare V et influence sur la société polynésienne actuelle
Aujourd’hui, la figure de Pomare V reste objet de débats et de représentations contrastées. Pour certains, il incarne l’échec politique de la monarchie tahitienne ; pour d’autres, il fut un roi victime des circonstances, contraint par l’influence coloniale et les enjeux diplomatiques. Les polémiques autour de son abdication, de ses choix personnels et de la succession dynastique continuent d’alimenter la mémoire collective et les discussions sur l’identité polynésienne.
L’héritage de Pomare V influence encore la société polynésienne à travers la transmission de l’histoire dans les écoles, les débats sur l’identité mā’ohi, la valorisation du mausolée royal comme lieu patrimonial, et la place de la famille Pōmare dans la vie culturelle contemporaine. Pour de nombreux jeunes, le dernier roi de Tahiti est à la fois un avertissement sur les dangers de la division et un appel à la réconciliation des mémoires.
La succession dynastique en Polynésie, les débats sur les vertus dynastiques, et la mémoire du dernier roi de Tahiti nourrissent encore la réflexion sur l’identité mā’ohi. Pour certains, Pomare V incarne la difficulté de préserver l’unité face à la colonisation, pour d’autres, il reste un avertissement sur les dangers des divisions internes. Les commémorations, les recherches historiques et les initiatives culturelles autour du mausolée royal témoignent de la vitalité de cette mémoire et de l’importance de transmettre l’histoire des rois et reines de Tahiti aux générations futures.
Pour aller plus loin
Retrouvez les articles publiés de la série « Histoire du royaume de Tahiti » :
- Aux origines du royaume de Tahiti
- Pomare IV, la reine de la résistance
- Pomare V, le dernier roi et la polémique contemporaine (vous êtes ici)
- Bientôt : Le 29 juin 1880, rupture et mémoires