Les Sofitel abandonnés de Bora Bora ont-ils enfin trouvé leur sauveur ?

Les Sofitel abandonnés de Bora Bora ont-ils enfin trouvé leur sauveur ?

Quatre ans après leur fermeture et un an après leur liquidation judiciaire, les deux Sofitel de Bora Bora suscitent l’intérêt d’un nouveau prétendant de taille. Le groupe thaïlandais Dusit Thani International, qui gère 57 hôtels de luxe à travers l’Asie, explore depuis la semaine dernière les possibilités d’investissement au fenua. Une lueur d’espoir pour ces établissements emblématiques qui défigurent le lagon de la Perle du Pacifique.

 

C’est une visite qui pourrait bien changer la donne pour les deux hôtels fantômes de Bora Bora. Jacques Leizerovici, directeur général du resort Dusit Thani Maldives, faisait partie de la délégation d’industriels et d’hommes d’affaires asiatiques qui ont exploré Tahiti la semaine dernière. Sa mission : évaluer le potentiel de reprise des anciens Sofitel Marara et Sofitel Private Island, à l’abandon depuis 2019 et 2020.

Pour la première fois depuis la liquidation judiciaire prononcée en octobre 2023, un investisseur rend public son intérêt pour ces emplacements de rêve devenus cauchemar pour l’image touristique de Bora Bora. Le maire Gaston Tong Sang, excédé par la dégradation des propriétés sur son lagon qu’il veut exemplaire, menaçait encore récemment de demander leur démolition.

Mais qui est donc ce mystérieux repreneur venu de Thaïlande ? Et surtout, dispose-t-il des moyens de ses ambitions pour redonner vie à ces géants endormis ?

Dusit Thani : un géant asiatique du luxe

Le groupe qui s’intéresse aux Sofitel de Bora Bora n’est pas un inconnu dans l’industrie hôtelière internationale. Dusit Thani International, entreprise familiale fondée à Bangkok en 1949, s’est imposée comme l’un des acteurs majeurs de l’hôtellerie de luxe en Asie.

Avec un portefeuille impressionnant de 57 hôtels et resorts ainsi que 240 villas répartis en Asie du Sud-Est, en Chine, au Moyen-Orient et aux Maldives, le groupe thaïlandais maîtrise les codes du segment ultra-haut de gamme. Ses établissements affichent des standards 5 étoiles, 5 étoiles + et 6 étoiles, positionnement qui correspond parfaitement au potentiel des emplacements de Bora Bora.

Une approche pragmatique pour les Sofitel de Bora Bora

Contrairement aux précédents candidats à la reprise, Dusit Thani semble avoir une vision claire de la situation. Jacques Leizerovici ne cache pas la réalité du dossier :

« Le foncier, c’est les propriétaires, nous on apporterait le branding et le savoir-faire de Dusit. »

Cette déclaration révèle une stratégie de gestion hôtelière plutôt qu’un rachat direct des actifs dégradés. Une approche qui pourrait séduire les propriétaires actuels, confrontés à un passif de 3 milliards de francs CFP et à des structures en état de délabrement avancé.

Le représentant du groupe thaïlandais explore également d’autres emplacements au fenua, ne se limitant pas aux seuls Sofitel de Bora Bora. Cette diversification géographique témoigne d’une ambition plus large pour le marché polynésien.

Vision stratégique : conquérir la clientèle asiatique

L’intérêt de Dusit pour la Polynésie française s’inscrit dans une logique de développement vers de nouveaux marchés. Le groupe mise sur sa connaissance approfondie de la clientèle asiatique pour développer le tourisme polynésien.

« On regarde les aspects techniques et légaux d’investissements possibles en Polynésie. La Polynésie peut réellement attirer la clientèle du Sud-Est asiatique et de la Chine. »

Cette vision s’avère particulièrement pertinente quand on sait que 80% des touristes qui visitent la Polynésie française se rendent à Bora Bora, faisant de l’île le poumon de l’économie touristique du fenua.

Plus ambitieux encore, Jacques Leizerovici évoque même « un projet de compagnie aérienne », tout en précisant que « c’est trop tôt pour en parler ». Cette déclaration laisse entrevoir une stratégie d’intégration verticale qui pourrait révolutionner l’accès à la destination polynésienne depuis l’Asie.

Un dossier complexe aux multiples rebondissements

L’histoire des Sofitel de Bora Bora illustre parfaitement les défis de l’hôtellerie polynésienne. Fermés respectivement en 2019 et 2020 par leur propriétaire, l’homme d’affaires samoan Frederick Grey, ces établissements ont connu un parcours judiciaire chaotique :

  • Avril 2023 : Attribution initiale au groupe Royal de Christina Teihotaata
  • Juillet 2023 : Annulation par la Cour d’appel
  • Octobre 2023 : Liquidation judiciaire définitive

Cette liquidation a mis fin aux espoirs des 64 employés qui attendaient depuis 2020 de retrouver leur emploi. Beaucoup se sont tournés vers les opportunités offertes par l’ouverture du Westin Bora Bora, mais sans garantie de priorité d’embauche.

Enjeux environnementaux et image de Bora Bora

Au-delà des aspects économiques, la situation des Sofitel de Bora Bora pose des questions environnementales cruciales. Le maire Gaston Tong Sang, soucieux de préserver l’image de son lagon « exemplaire », avait menacé de demander la démolition des structures dégradées.

Cette pression politique pourrait paradoxalement faciliter les négociations avec Dusit Thani. Les emplacements conservent en effet toute leur valeur, malgré l’état des bâtiments qui nécessiteraient une reconstruction complète.

L’approche environnementale du groupe thaïlandais sera scrutée de près, dans un contexte où l’hôtellerie polynésienne de luxe se doit d’être exemplaire. Le Brando Hotel de Tetiaroa a d’ailleurs montré la voie en conjuguant luxe et innovation écologique depuis 2014.

Perspectives pour l’hôtellerie polynésienne

L’intérêt de Dusit Thani pour les Sofitel de Bora Bora s’inscrit dans un mouvement plus large de renouveau de l’hôtellerie polynésienne. Après les difficultés liées à la pandémie de Covid-19, le secteur montre des signes encourageants de reprise.

Cette potentielle renaissance des Sofitel de Bora Bora contraste avec d’autres success stories locales, comme la rénovation de l’ancien Méridien de Tahiti, qui bénéficie de 330 millions de francs CFP d’aides publiques pour sa transformation.

Reste à savoir si les négociations entre Dusit Thani et les propriétaires actuels aboutiront. Les « aspects techniques et légaux » évoqués par Jacques Leizerovici incluent notamment les problématiques foncières complexes de la Polynésie française, où de nombreux terrains sont en indivision.

Pour les habitants de Bora Bora et les anciens salariés des Sofitel, cette nouvelle donne représente un espoir de voir enfin ces joyaux architecturaux retrouver leur splendeur d’antan. Après quatre années d’abandon, les Sofitel de Bora Bora pourraient-ils enfin renaître sous pavillon thaïlandais ?

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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