Tournages internationaux : la Polynésie peut-elle devenir la nouvelle star du Pacifique ?

Tournages internationaux : la Polynésie peut-elle devenir la nouvelle star du Pacifique ?

Entre lagons turquoise, montagnes majestueuses et culture vivante, la Polynésie française fait rêver les cinéastes du monde entier. Mais le fenua a-t-il vraiment les moyens de rivaliser avec Fidji, Hawaii ou la Nouvelle-Zélande pour attirer les grandes productions internationales ? Analyse des atouts, des obstacles et des ambitions d’un territoire qui veut s’imposer sur la carte mondiale du cinéma.

Du lagon à la Croisette : un héritage cinématographique à valoriser

La Polynésie française n’est pas une inconnue sur la scène du 7e art. De Tabou à Pacifiction, en passant par Les Révoltés du Bounty, le fenua a accueilli des tournages majeurs qui ont marqué l’histoire du cinéma mondial. Pour une plongée dans cette mémoire, retrouvez notre dossier « Du lagon à la Croisette », qui retrace l’aventure des films tournés ou inspirés par Tahiti et ses îles, et met en lumière l’impact de ces œuvres sur la culture et l’économie locales[1].

« C’est d’abord la preuve claire et nette que nos compétences locales, que ce soient les comédiens et les techniciens, sont vraiment d’un niveau très élevé. (…) Les retombées, c’est inouï. Plus il va se vendre, plus il va être diffusé et mieux c’est pour nous. »
Laurent Jacquemin, producteur exécutif à Tahiti

L’histoire du cinéma polynésien est aussi indissociable de la légende de Marlon Brando. Fasciné par la beauté de Tetiaroa lors du tournage de Les Révoltés du Bounty, l’acteur iconique a lié son destin à l’atoll et à la culture mā’ohi. Pour en savoir plus sur ce lien unique, consultez notre article consacré à Marlon Brando à Tetiaroa[2].

Des atouts naturels et humains uniques dans le Pacifique

  • Paysages variés : lagons, montagnes, atolls, volcans, villages authentiques des cinq archipels.
  • Diversité culturelle : richesse des langues, traditions et de l’accueil polynésien.
  • Savoir-faire local : montée en compétence des techniciens, comédiens et prestataires du fenua.
  • Expérience reconnue : capacité à accueillir des tournages d’envergure, même dans les îles éloignées.

Au-delà de Tahiti et Moorea, les Marquises, Tuamotu, Australes ou Gambier offrent des décors inédits, encore peu exploités par le cinéma international. Ces territoires sont autant d’opportunités pour diversifier les récits et valoriser la pluralité du fenua.

Des freins persistants face à la concurrence régionale

Malgré ses atouts, la Polynésie doit encore lever plusieurs obstacles majeurs pour s’imposer face à des destinations déjà bien structurées :

  • Absence de crédits d’impôt attractifs : Fidji propose jusqu’à 75 % de crédit d’impôt, contre 25 % à Hawaii, en Australie ou Nouvelle-Zélande. Le fenua n’offre pas encore de dispositif équivalent.
  • Manque de guichet unique : Le Tahiti Film Office, attendu par la profession, n’est pas encore opérationnel, ce qui complique l’accueil des équipes étrangères.
  • Soutien public limité : Le dispositif SCCA alloue 100 millions de Fcfp par an, un montant jugé insuffisant pour attirer des blockbusters.
Territoire Crédit d’impôt/Incitation fiscale
Fidji Jusqu’à 75 %
Hawaii 25 %
Australie/Nouvelle-Zélande 25 %
Polynésie française En projet (exonération TVA, subvention SPACE)

« La pièce qui manque aujourd’hui, pour moi, c’est le ‘Tahiti Film Office’. Cette articulation qui permettrait d’avoir une sorte de guichet unique, à la fois pour aller chercher des productions, et pour les accueillir et les orienter ici », témoigne Laurent Jacquemin, producteur.

Des initiatives en cours pour changer la donne

Conscient des enjeux, le gouvernement polynésien a présenté début 2024 un projet de loi pour dynamiser le secteur audiovisuel :

  • Exonération de TVA pour les productions agréées.
  • Subvention spécifique « Soutien aux Projets Audiovisuels ou Cinématographiques d’Envergure » (SPACE).
  • Agrément de cinq ans renouvelable pour les sociétés de production.

Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) recommande de renforcer encore le niveau d’aide, de clarifier les critères de domiciliation locale et de s’assurer que les retombées économiques bénéficient bien à l’économie polynésienne.

Des retombées concrètes pour les archipels et la société

Au-delà de l’image, chaque tournage international génère des emplois, des formations, des opportunités pour les prestataires locaux : hébergement, restauration, transport, artisanat, guides culturels… Les habitants témoignent de l’impact direct sur leur quotidien.

« Quand une équipe de tournage débarque à Rangiroa, c’est tout le village qui s’active : on cuisine, on transporte, on apprend… C’est une fierté et une opportunité », raconte Matahi, logisticien aux Tuamotu.

Les professionnels insistent aussi sur l’importance de la transmission culturelle et du respect des usages locaux : chaque production doit composer avec les attentes des communautés, la préservation des sites sacrés et la valorisation des langues du fenua.

Polynésie, futur laboratoire du cinéma durable ?

La Polynésie pourrait se démarquer en devenant une référence du « cinéma vert » dans le Pacifique : gestion responsable des déchets, implication des associations environnementales, respect de la biodiversité, sensibilisation des équipes étrangères aux enjeux locaux.

  • Initiatives éco-responsables lors des tournages récents.
  • Projets pilotes portés par des jeunes talents polynésiens.

Perspectives et appel à la mobilisation

Les cartes sont sur la table : la Polynésie dispose d’atouts indéniables, mais doit accélérer sa mutation pour devenir une terre de cinéma reconnue et durable. La réussite passera par une mobilisation collective : pouvoirs publics, professionnels, communes, habitants et jeunes talents du fenua.

« Te mau fenua, te mau taata, te mau reo – E faufa’a rahi to te fenua, e ti’a ia tatou ia ha’apuai i te reira no te ananahi »
(Nos terres, nos peuples, nos langues – La richesse du fenua, à nous de la renforcer pour demain)

À suivre : la Polynésie saura-t-elle transformer l’essai et s’imposer comme la nouvelle star du Pacifique ? Les prochains mois seront décisifs pour écrire un nouveau chapitre de cette aventure cinématographique.

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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