Gauguin aux Marquises : dernières années au fenua

Gauguin aux Marquises : dernières années au fenua

En 1901, Paul Gauguin quitte Tahiti pour Hiva Oa, dans l’archipel des Marquises. L’artiste, affaibli mais toujours en quête d’absolu, s’installe à Atuona où il construit la Maison du Jouir. Entre engagement pour la culture locale, opposition à l’administration coloniale et création d’œuvres majeures, ses dernières années au fenua sont marquées par l’exil, la provocation et une quête de liberté jusqu’à sa mort en 1903.

Pourquoi Gauguin choisit les Marquises

En 1901, lassé de la société coloniale de Tahiti et affaibli par la maladie, Paul Gauguin décide de s’exiler à Hiva Oa, l’une des îles les plus isolées des Marquises. Il cherche un lieu encore préservé de l’influence occidentale, où la culture polynésienne subsiste face à la pression des missionnaires et de l’administration française.

Atuona, village principal de l’île, offre à Gauguin un nouveau départ. Il y retrouve une nature sauvage, des traditions vivaces et une population marquisienne attachée à ses racines. Ce choix marque le début de la période « Gauguin aux Marquises », dernière étape de son parcours polynésien.

La Maison du Jouir : provocation et liberté

À Atuona, Gauguin fait construire sa fameuse Maison du Jouir (« Maison du plaisir »), bâtisse en bois décorée de sculptures et de panneaux provocateurs. Le nom, choisi à dessein, choque les missionnaires et les autorités locales, mais symbolise la volonté de l’artiste de vivre selon ses propres règles.

La Maison du Jouir devient un lieu de rencontres, d’échanges et de création. Gauguin y accueille des Marquisiens, des enfants du village, des amis et des visiteurs de passage. Il y poursuit son œuvre, sculpte, peint, écrit, et s’engage dans la défense des traditions locales.

Engagement local et opposition à l’ordre colonial

Gauguin aux Marquises ne se contente pas d’être un simple observateur. Il prend fait et cause pour les habitants, s’oppose à l’administration coloniale et aux missionnaires, qu’il accuse de détruire la culture marquisienne. Il dénonce les abus, refuse de payer certains impôts et encourage les Marquisiens à défendre leurs droits.

Cette attitude lui vaut de nombreux conflits avec l’autorité, mais aussi le respect d’une partie de la population locale. Gauguin devient une figure à la fois admirée et controversée, symbole d’une résistance artistique et humaine face à la domination coloniale.

« Ici, je suis libre. Libre de créer, de penser, de vivre comme je l’entends, même si cela dérange. » — Paul Gauguin, lettre à un ami

Œuvres majeures de la période marquisienne

Malgré la maladie et l’isolement, Gauguin aux Marquises produit certaines de ses œuvres les plus puissantes. Sa palette s’assombrit, les thèmes abordent la mort, la spiritualité, la résistance et le mythe. Il sculpte aussi de nombreux bas-reliefs et totems inspirés de l’art local.

Principales œuvres de la période marquisienne
Titre Année Thème
Riders on the Beach 1902 Vie marquisienne, liberté
Barbarian Tales 1902 Légendes, spiritualité
Le Sorcier d’Hiva Oa 1902 Chamanisme, mystère
Oviri (sculpture) 1894-1903 Mort, animalité, mythe

Ses dernières œuvres témoignent d’une grande liberté formelle : couleurs plus sourdes, compositions audacieuses, symbolisme marqué. Elles traduisent aussi la solitude, la maladie et la conscience d’une fin proche.

Fin de vie, mort et héritage à Hiva Oa

Les derniers mois de Gauguin aux Marquises sont marqués par la souffrance physique, la pauvreté et l’isolement. Il continue néanmoins à écrire, peindre et défendre la culture locale jusqu’à son dernier souffle.

Paul Gauguin meurt le 8 mai 1903 à Atuona, à l’âge de 54 ans. Il est enterré au cimetière du Calvaire, sur une colline dominant le village. Sa tombe, surmontée de la sculpture Oviri, est aujourd’hui un lieu de mémoire, visitée chaque année par des voyageurs du monde entier.

La mémoire de Gauguin aux Marquises aujourd’hui

Plus d’un siècle après sa mort, l’héritage de Gauguin aux Marquises reste vivant et parfois controversé. La Maison du Jouir, partiellement reconstituée, et le centre culturel Paul Gauguin à Atuona perpétuent le souvenir de l’artiste, tout en valorisant la culture marquisienne.

Pour les habitants, la présence de Gauguin est à la fois source de fierté et de questionnement. Certains descendants préfèrent le silence, d’autres racontent l’histoire du peintre en insistant sur la nécessité de la regarder avec un regard polynésien, loin des mythes occidentaux.

  • La Maison du Jouir : lieu de mémoire, visites guidées, expositions
  • Le cimetière du Calvaire : pèlerinage artistique, hommage à Gauguin et Jacques Brel
  • Initiatives locales : ateliers, témoignages, valorisation du patrimoine marquisien

« Gauguin fait partie de notre histoire, mais c’est à nous de raconter ce qu’il a vu, vécu et laissé ici. » — Guide culturel à Atuona

Un héritage complexe et vivant

L’exil marquisien de Gauguin, entre engagement, provocation et création, reste une page essentielle de l’histoire du fenua. Ses œuvres, sa Maison du Jouir et sa tombe témoignent d’un passage qui a marqué à la fois l’art occidental et la mémoire locale. Aujourd’hui, « Gauguin aux Marquises » invite à un dialogue renouvelé entre passé et présent, entre regard polynésien et héritage universel.


À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x