Fier.e.s, la voix du Pacifique : le documentaire tahitien doublement primé qui fait découvrir nos mahu à la France

Fier.e.s, la voix du Pacifique : le documentaire tahitien doublement primé qui fait découvrir nos mahu à la France

Le film de Raynald Mérienne, qui a remporté le Prix du public et le 2e Prix spécial du jury au FIFO 2025, a été diffusé hier soir sur France 3. À travers cinq témoignages authentiques, ce documentaire révèle la richesse de la culture polynésienne et la place traditionnelle des mahu dans notre société, offrant une visibilité nationale à nos réalités culturelles.

Papeete, 24 juin 2025. Hier soir à 23h35, des millions de téléspectateurs français ont découvert « Fier.e.s, la voix du Pacifique » sur France 3. Ce documentaire de 54 minutes, réalisé par Raynald Mérienne, marque un tournant dans la représentation de la culture polynésienne sur les écrans nationaux.

Doublement récompensé lors de la 22e édition du Festival International du Film documentaire Océanien avec le Prix du public et le 2e Prix spécial du jury, le film donne la parole à cinq personnalités transgenres polynésiennes : Loïc, Reretini, Lalita, Tehau et Sailali. Leurs témoignages révèlent une réalité profondément ancrée dans l’histoire du fenua.

« Je suis un mahu, homme et femme à la fois », clame avec fierté Loïc dans le documentaire.

Cette affirmation résonne comme un écho de la société polynésienne traditionnelle, où les identités de genre trouvaient naturellement leur place, bien avant l’arrivée des missionnaires en 1797.

Une tradition ancestrale mise en lumière

Le documentaire replace les identités de genre dans leur contexte culturel polynésien authentique. Avant l’arrivée des Européens en 1842, les mahu occupaient une place respectée dans la société traditionnelle. « Ils étaient parfaitement intégrés dans la communauté », explique l’anthropologue Vahi Tuheiava-Richaud, interrogée dans le film.

Ces hommes porteurs d’une part féminine étaient reconnus pour leurs talents dans plusieurs domaines essentiels :

  • La culture et les arts traditionnels
  • La danse et les spectacles
  • La médecine traditionnelle
  • La transmission des légendes et de l’histoire orale

Mahu et société traditionnelle

La place des mahu dans la société polynésienne s’inscrit dans l’organisation traditionnelle décrite dans notre série sur le royaume de Tahiti. Avant la christianisation menée par les Pomare, la société tahitienne intégrait naturellement la diversité des identités de genre, au même titre que les castes hiérarchisées et le respect du mana.

→ Lire aussi : Aux origines du royaume de Tahiti : dynastie, alliances, héritage

Une richesse culturelle que le documentaire s’attache à faire redécouvrir aux spectateurs métropolitains, souvent ignorants de ces réalités polynésiennes.

L’impact du bouleversement colonial

Le film met en perspective l’évolution dramatique des mentalités. L’arrivée du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) en 1962 avec ses 15 000 militaires et techniciens a constitué un tournant majeur dans la perception des identités de genre.

Cette période a vu l’émergence du terme rae rae, initialement neutre mais progressivement devenu péjoratif, désignant souvent les personnes ayant entrepris des transformations physiques féminines.

« Le regard du Tahitien christianisé a commencé à trouver anormal ce qui était avant normal », analyse Vahi Tuheiava-Richaud.

Cette analyse souligne l’impact profond de la colonisation sur les perceptions traditionnelles et la nécessité de retrouver nos racines culturelles authentiques.

Des parcours de vie authentiques

Construit autour de témoignages sincères et bouleversants, le documentaire évite l’écueil du voyeurisme. Chaque protagoniste livre son parcours avec une authenticité rare :

Lalita, prostituée abusée dès la petite enfance, rêve de « mourir opérée ». Lors d’une performance troublante en boîte de nuit, elle se réapproprie la part diabolique qu’on lui attribue, jouant à saturer son image de rae rae.

Loïc, chanteur accompli, revendique fièrement son identité mahu, incarnant la continuité entre tradition et modernité.

Le réalisateur Raynald Mérienne a conçu son film « comme un outil bienveillant au service de personnes décidées à être vues et reconnues pour ce qu’elles sont », évitant tout sensationnalisme.

Une reconnaissance qui dépasse nos frontières

Cette diffusion sur France 3 marque une étape historique pour la visibilité de la culture polynésienne en métropole. Le documentaire, produit par DEBAZ.media, Eclectic et Stories&Co avec le soutien de France Télévisions, du CNC et de la Polynésie française, s’inscrit dans la programmation « Patitifa ».

Cette programmation spéciale met en lumière « l’histoire, les enjeux et les spécificités des peuples du Pacifique », offrant une plateforme inédite à nos réalités culturelles.

Un succès au FIFO qui résonne nationalement

Distinction Catégorie Signification
Prix du public Vote populaire Adhésion massive du public polynésien
2e Prix spécial du jury Reconnaissance critique Qualité artistique et documentaire

Le film reste disponible sur france.tv, permettant une diffusion élargie de ces témoignages précieux sur une réalité souvent méconnue de la culture polynésienne.

Un miroir de notre société en mutation

Au-delà de la reconnaissance artistique, ce documentaire interroge notre rapport aux identités de genre et à l’héritage culturel. Il rappelle que la diversité des identités faisait partie intégrante de la société polynésienne traditionnelle, bien avant les débats contemporains sur ces questions.

Cette œuvre de Raynald Mérienne contribue ainsi à réconcilier tradition et modernité, en montrant que l’acceptation de la diversité des identités s’enracine dans l’histoire même du fenua. Elle offre aux jeunes générations polynésiennes des modèles d’identification positifs, ancrés dans leur propre culture.

« Ce film nous rappelle qui nous sommes vraiment, au-delà des préjugés importés », confie un spectateur présent au FIFO.

En révélant la richesse de nos traditions à un public national, « Fier.e.s, la voix du Pacifique » participe à la reconnaissance de la Polynésie française comme terre de diversité culturelle et d’ouverture, fidèle à ses valeurs ancestrales.

Le documentaire « Fier.e.s, la voix du Pacifique » est disponible en replay sur france.tv

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x