La Fraap a déposé lundi un préavis de grève illimitée à Te Fare Tauhiti Nui. Sans accord d’ici vendredi, le mouvement débutera le 30 juin, menaçant directement l’organisation du Heiva i Tahiti alors que la billetterie affiche déjà complet.
Alors que la billetterie du Heiva i Tahiti est prise d’assaut depuis des semaines et affiche complet pour la plupart des soirées, une menace plane désormais sur le plus grand événement culturel de Polynésie française. La Fraap (Fédération des représentants autonomes et indépendants de Polynésie) a déposé lundi un préavis de grève illimitée concernant l’ensemble des personnels de Te Fare Tauhiti Nui.
Cette situation paradoxale révèle toute l’ampleur de la crise : d’un côté, l’engouement du public pour le Heiva i Tahiti témoigne de l’attachement profond des Polynésiens à leur patrimoine culturel ; de l’autre, les conditions de travail des agents qui font vivre ce temple de la culture ma’ohi suscitent un conflit social majeur.
Les revendications portent sur quatre points essentiels : la création de 40 postes sur trois ans, la mise en place d’un système d’astreinte, une prime spécifique pour les conditions de travail atypiques, et une revalorisation salariale comprise entre 1 300 et 1 500 Fcfp. Sans accord d’ici vendredi, la grève débutera le 30 juin à 00h01, soit quelques jours seulement avant l’ouverture de cette édition du Heiva i Tahiti 2025 tant attendue.
Un timing critique pour la culture polynésienne
Cette échéance inquiète particulièrement les groupes de danse et de chant qui préparent leurs prestations depuis des mois. Le Heiva i Tahiti représente l’aboutissement d’une année de travail pour des centaines d’artistes venus de tous les archipels.
« C’est notre patrimoine culturel qui est en jeu. Le Heiva, c’est l’âme de notre peuple qui s’exprime. Nous avons travaillé toute l’année pour ce moment », confie Teiva, membre d’un groupe de ‘ori tahiti de Punaauia.
La mobilisation gouvernementale témoigne de l’urgence de la situation. Vendredi dernier, la ministre du Travail Vannina Crolas et le ministre de la Culture Ronny Teriipaia se sont rendus à la Maison de la culture pour tenter de convaincre les agents de ne pas rejoindre le mouvement.
Les revendications en détail
Les agents de Te Fare Tauhiti Nui dénoncent des conditions de travail dégradées et réclament des améliorations concrètes :
- Création de 40 postes sur trois ans pour faire face à la charge de travail croissante
- Système d’astreinte adapté aux spécificités du secteur culturel
- Prime pour conditions atypiques reconnaissant la pénibilité des horaires décalés
- Revalorisation salariale de 1 300 à 1 500 Fcfp selon les catégories
Un conflit qui dépasse la Maison de la culture
Ce préavis s’inscrit dans un contexte social tendu. La Fraap prépare un retour à la grève générale dès la semaine prochaine, pour une durée « illimitée ». Les principales revendications restent les mêmes qu’en décembre dernier, centrées sur la revalorisation des catégories D de la fonction publique territoriale.
Les négociations traînent depuis décembre 2024, selon les documents internes du syndicat. Les agents dénoncent des promesses non tenues concernant l’amélioration de leurs conditions de travail et de rémunération.
Chronologie du conflit
Date | Événement |
---|---|
Décembre 2024 | Début des négociations sur la revalorisation des catégories D |
Vendredi 20 juin | Visite des ministres Crolas et Teriipaia à la Maison de la culture |
Lundi 23 juin | Dépôt du préavis de grève par la Fraap |
Vendredi 27 juin | Date limite pour un accord |
30 juin 00h01 | Début de la grève si aucun accord |
Impact sur les archipels et le rayonnement culturel
Au-delà de Tahiti, c’est tout le fenua qui pourrait être affecté. Le Heiva i Tahiti rayonne dans tous les archipels, et de nombreux groupes des Marquises, des Tuamotu ou des Australes préparent leur venue à Papeete pour participer aux concours.
Les retombées économiques du Heiva sont considérables : hôtellerie, restauration, artisanat, transport inter-îles… Toute la filière touristique et culturelle pourrait subir les conséquences de cette crise sociale.
« Nous avons des réservations de groupes des Marquises depuis des mois. Si le Heiva est annulé, c’est toute notre saison qui s’effondre », s’inquiète Mahina, propriétaire d’une pension de famille à Papeete.
Les enjeux pour l’identité culturelle ma’ohi
Les enjeux dépassent le simple cadre social pour toucher au cœur de l’identité culturelle polynésienne. Te Fare Tauhiti Nui n’est pas seulement un lieu de travail, mais le temple de la culture ma’ohi, où se perpétuent les traditions ancestrales.
Le Heiva i Tahiti constitue le moment fort de l’année culturelle polynésienne, un rendez-vous intergénérationnel où se transmettent les savoirs traditionnels : chants, danses, artisanat, gastronomie.
Les groupes mobilisés
Plus de 3 000 danseurs et musiciens sont inscrits pour cette édition 2025, répartis dans différentes catégories :
- Groupes de ‘ori tahiti (danse traditionnelle)
- Formations de himene (chant polyphonique)
- Orchestres de musique traditionnelle
- Groupes de danse des archipels
Négociations en cours et perspectives
La situation évolue rapidement, avec des discussions en cours entre les différentes parties. Le gouvernement territorial multiplie les contacts pour éviter une paralysie de la Maison de la culture en pleine période de Heiva.
Les représentants de la Fraap se montrent déterminés mais ouverts au dialogue, à condition que des engagements concrets soient pris sur leurs revendications principales.
« Nous ne voulons pas pénaliser la culture polynésienne, mais nos conditions de travail ne peuvent plus attendre. Il faut des actes, pas seulement des promesses », déclare un représentant syndical.
L’issue de ces négociations déterminera si le Heiva i Tahiti 2025 pourra se dérouler dans les conditions optimales que mérite ce rendez-vous incontournable de la culture polynésienne. Avec une billetterie déjà sold-out et des milliers de spectateurs attendus, la pression s’intensifie sur tous les acteurs pour trouver une solution avant vendredi.