Moorea innove dans la lutte contre les taramea qui dévorent nos récifs

Moorea innove dans la lutte contre les taramea qui dévorent nos récifs

Une recrudescence d’étoiles de mer épineuses menace les récifs coralliens de Moorea depuis plusieurs semaines. Face à cette prolifération observée notamment à Temae, la Direction de l’environnement, le Criobe et les pêcheurs locaux expérimentent ensemble une méthode d’injection écologique pour préserver l’écosystème récifal. Une approche collaborative qui mobilise les habitants dans la surveillance et l’action.

L’alerte est donnée à Moorea. Depuis plusieurs semaines, les signalements se multiplient concernant une prolifération inhabituelle de taramea dans les eaux de l’île sœur. Ces étoiles de mer épineuses, redoutables prédatrices des coraux, sont particulièrement visibles du côté de Temae, notamment près du golf, selon les témoignages recueillis auprès des habitants.

Face à cette menace qui pèse sur l’écosystème récifal, une expérimentation inédite associe depuis quelques semaines la Direction de l’environnement (Diren), le Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) et les pêcheurs de Moorea. L’objectif : tester une méthode d’injection écologique directement sur le terrain, avec l’aide de la population locale.

« Les taramea, ce n’est pas une espèce introduite récemment, elle a toujours été présente dans le Pacifique », explique Olivier Poté, directeur des services techniques de la mairie de Moorea. Mais c’est lorsque cette espèce venimeuse prolifère massivement qu’elle devient dangereuse pour les récifs coralliens, sa principale source de nourriture.

Un phénomène naturel aux conséquences dramatiques

La taramea (Acanthaster planci), également appelée « couronne d’épines », fait partie intégrante de l’écosystème polynésien. Cette étoile de mer peut mesurer jusqu’à 80 centimètres de diamètre et possède généralement 16 bras recouverts de piquants venimeux pouvant atteindre 5 centimètres de longueur.

Le problème survient lors des phénomènes de pullulation, encore mal compris par les scientifiques. « Il y a une population qui va rester en permanence dans le lagon, et puis il y a des phénomènes qui vont déclencher des pontes massives », détaille Olivier Poté. Les températures élevées semblent favoriser ces reproductions explosives, mais « la biologie de l’animal est encore assez mal connue ».

Une seule taramea adulte peut dévorer entre 5 et 10 m² de coraux par an, laissant des cicatrices blanches durables sur les colonies coralliennes. Ces dégradations menacent directement la biodiversité marine et l’attractivité touristique de nos lagons, pilier économique du fenua.

Une méthode collaborative innovante

L’expérimentation menée à Moorea marque un tournant dans la lutte contre les proliférations de taramea. La méthode consiste à injecter un produit très acide mais non dangereux pour l’environnement directement dans l’étoile de mer épineuse.

« Cette injection tue la taramea en une ou deux injections au grand maximum, et ça, c’est quelque chose de très simple, que la population se munisse de ces méthodes scientifiques pour pouvoir agir au quotidien. »

Olivier Poté, directeur des services techniques de la mairie de Moorea

L’innovation réside dans l’association entre institutions scientifiques et savoir-faire local. « En s’associant avec la population, on démultiplie l’impact de ces actions », souligne le responsable communal, reconnaissant qu’il serait impossible pour les seules institutions de traiter l’ensemble des sites touchés.

Cette approche collaborative s’inscrit dans la stratégie plus large de protection des écosystèmes marins polynésiens, notamment dans le cadre du plus grand sanctuaire marin de Polynésie française.

Consignes de sécurité pour la population

Les autorités rappellent que les épines de taramea contiennent un poison pouvant provoquer nécroses et inflammations graves. Plusieurs précautions essentielles doivent être observées :

Précautions lors des baignades

  • Ne jamais toucher aux taramea sans formation appropriée
  • Surveiller particulièrement les enfants dans les zones signalées
  • Protéger les animaux domestiques, notamment les chiens qui peuvent marcher dessus
  • Porter des chaussures de protection dans les zones à risque

Conduite à tenir en cas de piqûre

  • Consulter immédiatement un médecin
  • Se rendre aux urgences si la douleur est intense
  • Ne pas tenter de retirer soi-même les fragments d’épines
  • Surveiller l’évolution pour détecter tout signe d’infection

Comment signaler une prolifération de taramea

La surveillance collaborative nécessite la participation active de tous les habitants. Tout constat de prolifération de taramea doit être immédiatement signalé aux organismes compétents :

Organisme Rôle Action
Direction de l’environnement (Diren) Coordination générale Recensement et intervention
Mairie de Moorea Relais local Information et mobilisation
Criobe Expertise scientifique Suivi et formation
Comités de pêche Surveillance terrain Détection précoce

Un enjeu de préservation à long terme

La lutte contre les taramea s’inscrit dans une démarche plus large de préservation des récifs coralliens polynésiens. Ces écosystèmes, déjà fragilisés par le changement climatique et les pressions anthropiques, nécessitent une protection renforcée.

Les récifs de Moorea ont déjà démontré leur capacité de récupération remarquable après les précédentes invasions de taramea (1969, 1979-1986, 2007-2009). Cette résilience naturelle, couplée aux nouvelles méthodes de lutte collaborative, offre des perspectives encourageantes pour la préservation de ces joyaux sous-marins.

L’expérience menée à Moorea pourrait également bénéficier des recherches sur les supercoraux découverts à Tatakoto, ces coraux résistants qui pourraient renforcer la résilience des récifs face aux agressions futures.

Cette mobilisation collective illustre l’importance de la collaboration entre institutions et population pour préserver l’écosystème récifal de Moorea. La protection de nos récifs constitue un enjeu majeur pour maintenir l’équilibre environnemental et économique du fenua, démontrant une fois de plus que les solutions durables naissent de l’union entre science et savoir local.

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x