Moruroa e tatou : « L’État recule devant ses responsabilités » avec le décret de la loi Morin

L’association Moruroa e tatou exprime sa colère après la publication du décret d’application de la loi Morin sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Selon l’organisation, les conditions fixées par ce texte réglementaire vident la loi de sa substance et trahissent les promesses faites aux victimes polynésiennes.

Un décret qui restreint l’accès à l’indemnisation

Six mois après l’adoption de la loi Morin relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le décret d’application publié en juin 2010 suscite l’indignation de Moruroa e tatou. L’association dénonce des critères d’éligibilité trop restrictifs qui excluent de fait la majorité des victimes potentielles des 193 essais nucléaires menés en Polynésie française entre 1966 et 1996.

  • Zone géographique d’éligibilité limitée aux seuls atolls de Moruroa et Fangataufa
  • Liste de pathologies reconnues jugée insuffisante
  • Critères temporels excluant de nombreuses victimes

« Ce décret transforme une loi d’indemnisation en loi d’exclusion. L’État français recule devant ses responsabilités historiques envers le peuple polynésien, » dénonce Roland Oldham, président de Moruroa e tatou.

Des zones d’exposition sous-évaluées

L’un des principaux griefs de l’association concerne la délimitation géographique des zones d’exposition. Le décret ne reconnaît comme zone d’impact que les atolls de Moruroa et Fangataufa, alors que les retombées radioactives ont touché un périmètre bien plus large, incluant les Gambier, certaines îles des Tuamotu et même Tahiti lors de certains essais atmosphériques.

  • Exclusion des Gambier malgré leur proximité des sites d’essais
  • Non-reconnaissance des retombées sur Tahiti et les îles Sous-le-Vent
  • Absence de prise en compte des témoignages locaux sur les contaminations

Une bataille juridique qui s’annonce

Face à ce qu’elle considère comme un déni de justice, Moruroa e tatou annonce son intention de contester le décret devant les juridictions compétentes. L’association appelle également les victimes et leurs familles à déposer massivement des dossiers de demande d’indemnisation, malgré les restrictions imposées par le texte réglementaire.

« Nous ne laisserons pas l’État français enterrer une seconde fois les victimes des essais nucléaires. Cette lutte pour la reconnaissance et la justice ne fait que commencer, » affirme un membre du bureau de l’association.

Un enjeu de mémoire et de justice pour le fenua

Au-delà des aspects techniques et juridiques, cette polémique autour du décret de la loi Morin soulève des questions fondamentales sur la reconnaissance par l’État français des conséquences des essais nucléaires en Polynésie. Pour les habitants du fenua, il s’agit d’obtenir enfin la vérité sur l’impact sanitaire et environnemental de trente années d’expérimentations nucléaires.

« Nos familles ont payé le prix fort pour la force de frappe française. Il est temps que l’État assume pleinement ses responsabilités, » souligne Tane Marama, habitant de Tureia, dans les Tuamotu.

Perspectives : vers une révision du dispositif ?

La mobilisation de Moruroa e tatou et d’autres associations pourrait contraindre les autorités à revoir les modalités d’application de la loi Morin. L’enjeu dépasse le cadre polynésien et interroge la capacité de l’État français à assumer l’héritage de sa politique nucléaire dans le Pacifique.

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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