En Polynésie française, la hausse des attaques de requins inquiète autant qu’elle interroge. Derrière ce phénomène, un nouveau facteur ressort : la recherche de selfies et de vidéos spectaculaires, encouragée par les réseaux sociaux, pousse certains visiteurs à adopter des comportements à risque au plus près des prédateurs marins. Entre vigilance accrue, témoignages de victimes et mobilisation des autorités, le fenua cherche à préserver la sécurité de ses lagons sans sacrifier la richesse de son écosystème ni sa réputation touristique.
Ces derniers mois, plusieurs incidents ont mis en lumière une réalité préoccupante : de plus en plus de touristes et d’influenceurs bravent les règles de sécurité pour obtenir des images sensationnelles avec les requins, multipliant ainsi les situations dangereuses. Les scientifiques et les professionnels du secteur alertent sur cette tendance, rappelant que la majorité des morsures résultent de réactions de défense de l’animal face à une intrusion ou un stress. Dans ce contexte, la Polynésie française s’efforce d’adapter ses stratégies de prévention, tout en valorisant une cohabitation respectueuse entre l’homme et le requin, emblème de son patrimoine naturel et culturel.
Comprendre le risque requin en Polynésie française
La Polynésie française, réputée pour la beauté de ses lagons et la richesse de son écosystème marin, abrite l’une des plus fortes densités de requins au monde. Pourtant, le risque requin pour les baigneurs et amateurs d’activités nautiques demeure faible : en moyenne, on recense cinq morsures par an, la plupart sans gravité et rarement mortelles. Les scientifiques insistent : la majorité des interactions homme-requin se déroulent sans incident, les requins jouant un rôle essentiel dans l’équilibre des récifs coralliens.
Les attaques de requin récentes sont principalement liées à des comportements à risque, souvent encouragés par la recherche de contenus viraux sur les réseaux sociaux. Toucher, nourrir ou s’approcher de trop près d’un requin pour réaliser un selfie ou une vidéo spectaculaire augmente considérablement les probabilités d’une morsure défensive. Les autorités locales rappellent l’importance de respecter la réglementation baignade et les zones de sécurité, notamment dans les passes, les embouchures de rivières ou après de fortes pluies, où la visibilité est réduite et la prudence de mise.
Les espèces de requins présentes dans les eaux polynésiennes
La Polynésie française compte plus de 20 espèces de requins, dont certaines sont emblématiques des lagons et passes du fenua. Parmi les plus fréquemment observées :
- Le requin à pointes noires (Carcharhinus melanopterus), très commun dans les lagons et réputé peu dangereux pour l’homme ;
- Le requin citron (Negaprion acutidens), impressionnant par sa taille mais rarement agressif ;
- Le requin gris de récif (Carcharhinus amblyrhynchos), présent dans les passes et apprécié des plongeurs ;
- Le requin-tigre (Galeocerdo cuvier), espèce plus rare et potentiellement dangereuse, impliquée dans certains incidents récents.
La plupart de ces requins évitent naturellement l’homme. Cependant, des pratiques comme le shark feeding (nourrissage artificiel), désormais interdit, ou la provocation pour des images sensationnelles, peuvent modifier leur comportement et accroître les risques.
Incidents récents et témoignages
La saison 2024-2025 a été marquée par plusieurs incidents notables dans différents archipels, illustrant la diversité des situations et la nécessité d’une vigilance accrue lors des activités nautiques.
- Makemo (Tuamotu), mai 2025 : Deux pêcheurs sous-marins ont été attaqués par un requin gris de récif (raira) alors qu’ils pratiquaient la chasse au fusil-harpon. L’un d’eux a été grièvement blessé au mollet et au poignet, l’autre plus légèrement au genou. L’évacuation sanitaire, rendue difficile par l’isolement de l’atoll, a mis en lumière l’importance des campagnes de prévention et de la sensibilisation dans les archipels éloignés. Le maire de Makemo a réagi en lançant une opération d’information locale :
« Nous devons redoubler de prudence et rappeler à tous les pêcheurs l’importance de respecter les règles de sécurité en mer. »
- Arue (Tahiti), mai 2024 : Une jeune femme a été mordue à la fesse lors d’un cours de kitesurf à la pointe du Taharaa, à proximité de la baie de Matavai. Rapidement prise en charge par les secours, elle a témoigné de sa chance et de l’importance d’une réaction calme face à l’accident. La mairie a temporairement interdit la baignade sur la zone et renforcé la surveillance, tout en menant des actions de sensibilisation auprès des usagers.
Les spécialistes et les victimes s’accordent : la plupart de ces accidents sont liés à des comportements à risque, souvent encouragés par la recherche de selfies ou de vidéos spectaculaires avec les requins. Les scientifiques rappellent que ces morsures sont majoritairement des réactions de défense de l’animal face à une intrusion ou à un stress, et non des attaques prédatrices.
Les témoignages recueillis à Makemo et Arue soulignent la résilience des victimes et la volonté de sensibiliser le public :
« J’ai eu beaucoup de chance, et je souhaite que mon expérience serve à rappeler l’importance de la prudence et du respect des animaux marins, » confie la kitesurfeuse d’Arue.
Ces incidents récents rappellent que la cohabitation avec les requins impose une vigilance constante, mais aussi une meilleure information sur les bonnes pratiques, tant pour les habitants que pour les visiteurs et influenceurs de passage.
Prévention et conseils de sécurité pour les activités nautiques
Pour limiter le risque d’attaque de requin, plusieurs recommandations sont à suivre :
- Respecter les zones de sécurité et la réglementation baignade en vigueur ;
- Éviter de se baigner ou de pratiquer des activités nautiques à l’aube, au crépuscule ou après de fortes pluies ;
- Ne jamais tenter de toucher, nourrir ou provoquer un requin, même pour une photo ;
- Privilégier les sorties en groupe et rester vigilant face aux comportements anormaux des animaux ;
- Suivre les consignes des guides locaux et des autorités, notamment en cas de fermeture temporaire de certaines zones.
Les dispositifs de surveillance des plages et les campagnes de sensibilisation menées par les collectivités et les associations contribuent également à la protection des baigneurs et à la préservation de l’écosystème marin.
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Gestion des incidents et impact sur le tourisme
Les autorités polynésiennes réagissent rapidement en cas d’attaque, en menant des enquêtes, en renforçant la surveillance et, si nécessaire, en fermant temporairement certaines zones à la baignade. La communication transparente et la pédagogie sont privilégiées pour rassurer la population et les visiteurs. Les professionnels du tourisme insistent sur le fait que la Polynésie reste une destination sûre, où la majorité des activités nautiques se déroulent sans incident grâce à l’application des règles de sécurité.
L’impact sur le tourisme reste limité, la plupart des voyageurs étant conscients des risques inhérents à la vie marine et sensibles aux conseils de prévention. Les récits de survie et les témoignages locaux, relayés par les médias et les réseaux sociaux, participent à une meilleure compréhension de la réalité du risque requin et encouragent une approche responsable de l’océan.
Perspectives et cohabitation durable
Face à la médiatisation des incidents et à la montée des comportements à risque liés à la recherche de selfies, la Polynésie française mise sur l’éducation, la recherche scientifique et la valorisation de sa culture pour préserver l’équilibre entre sécurité et respect du vivant. Les avancées récentes, comme l’identification ADN des « requins à problème », ouvrent de nouvelles perspectives pour une gestion ciblée du risque, sans stigmatiser l’ensemble des prédateurs marins.
La cohabitation homme-requin, ancrée dans l’histoire et l’identité du fenua, reste possible et souhaitable. Elle passe par la vigilance, la connaissance et le respect mutuel, afin que chacun puisse continuer à profiter de la beauté des lagons polynésiens en toute sécurité.