Une biologiste a été mordue par deux requins pointes noires sur le célèbre banc de sable de Tiahura, à Moorea, alors qu’un prestataire touristique pratiquait le shark feeding, interdit en Polynésie française. Cet incident ravive les inquiétudes autour de la gestion des activités lagonaires et de la préservation de la faune marine.
Un incident marquant sur le banc de Tiahura
Le 15 mai 2025, une biologiste marine a été mordue à la main et aux fesses par deux requins pointes noires alors qu’elle se trouvait en famille sur le banc de sable de Tiahura, à Moorea. L’attaque, survenue en pleine journée, a nécessité 38 points de suture. Selon la victime, la présence d’un groupe touristique pratiquant le shark feeding à proximité aurait joué un rôle déterminant dans le comportement des squales.
« Dès que le feeding commence, le comportement des animaux change, c’est visible. Ils attendent… Dès qu’ils voient un bateau arriver, ils savent qu’on va leur donner à manger. »
— Biologiste, victime de la morsure à Moorea
Le shark feeding : une pratique interdite mais persistante
En Polynésie française, le shark feeding — nourrissage des requins — est interdit depuis 2017. Cette réglementation vise à préserver le comportement naturel des squales et à garantir la sécurité des usagers du lagon. Malgré cette interdiction, certains prestataires continuent d’attirer les requins pour satisfaire la demande touristique, souvent sous couvert d’« appâtage » ou de smelling, qui consiste à attirer les animaux sans leur donner directement à manger.
- Le shark feeding est interdit dans les lagons polynésiens depuis 2017.
- Les contrevenants risquent jusqu’à 18 millions de Fcfp d’amende et deux ans d’emprisonnement.
- Le banc de Tiahura concentre de nombreux usages et une forte fréquentation touristique.
Réglementation et réactions locales
La gendarmerie a ouvert une enquête pour déterminer les circonstances exactes de l’incident et vérifier le respect de la réglementation par les opérateurs présents ce jour-là. Le Comité de gestion de l’espace maritime (CGEM) de Moorea alerte régulièrement sur la saturation du lagon, la multiplication des activités touristiques et les risques pour la biodiversité et la sécurité.
Pratique | Statut en Polynésie | Risques associés |
---|---|---|
Shark feeding | Interdit | Modification du comportement animal, hausse du risque d’accident |
Appâtage (smelling) | Ambigu, souvent toléré | Attirance des requins, potentielle confusion pour les animaux |
Observation sans interaction | Autorisé | Respect du comportement naturel, sécurité accrue |
Influence des réseaux sociaux et comportements à risque
L’incident de Moorea s’inscrit dans un contexte plus large où les comportements des touristes et influenceurs, souvent encouragés par la recherche d’images spectaculaires sur les réseaux sociaux, multiplient les situations dangereuses. De plus en plus de visiteurs bravent les règles pour se filmer ou se prendre en photo au plus près des requins, au mépris des consignes de sécurité et du respect de la faune marine.
Cette tendance, observée dans de nombreux archipels polynésiens, inquiète les scientifiques et les autorités. Les études récentes montrent que la majorité des morsures de requins sont des réactions défensives à une intrusion ou un stress, et non des attaques prédatrices. Les espèces les plus souvent impliquées, comme le requin à pointes noires ou le requin citron, sont particulièrement présentes dans les lagons fréquentés par les touristes.
« Les gens connaissent la différence entre un yorkshire terrier et un pitbull alors qu’ils ne connaissent pas la différence entre un requin de récif à pointe noire et un requin taureau qui sont leurs équivalents marins. »
— Éric Clua, spécialiste du comportement des requins
Préserver le lagon, un défi partagé
Cet incident relance le débat sur la gestion du tourisme lagonaire et la nécessité de faire respecter la réglementation pour protéger à la fois les usagers et les espèces emblématiques du fenua. Les autorités, associations et professionnels du secteur sont appelés à renforcer la sensibilisation et les contrôles, afin d’éviter que de tels accidents ne se reproduisent et de préserver l’image d’une Polynésie respectueuse de son environnement.
« Il faut rappeler que le lagon est un espace partagé, fragile, et que chacun doit respecter les règles pour la sécurité de tous et la préservation de notre patrimoine naturel. »
— Membre du CGEM Moorea
Pour aller plus loin
La hausse des incidents récents met aussi en lumière le rôle des influenceurs et des réseaux sociaux dans la banalisation de comportements à risque auprès des requins. Pour comprendre comment l’attitude de certains visiteurs, en quête de sensations ou de visibilité, impacte la sécurité et la perception du risque, retrouvez notre analyse sur l’attaque de requin en Polynésie.