Face à la cherté persistante de l’électricité en Polynésie française, le ministre des Outre-mer Manuel Valls et le ministre de l’Industrie et de l’Énergie Marc Ferraci proposent la création d’un groupe de travail inédit. Objectif : explorer des solutions concrètes pour alléger la facture des familles polynésiennes, en s’inspirant d’expériences ultramarines et en intégrant la transition énergétique. Décryptage des enjeux et des attentes locales.
Un coût de l’électricité sous tension
La Polynésie française fait face à un défi énergétique majeur : l’électricité y est deux à trois fois plus chère qu’en métropole, en raison de l’insularité, de la dispersion des îles, de la dépendance aux hydrocarbures et d’une péréquation nationale dont elle ne bénéficie pas. Cette situation pèse lourdement sur le budget des ménages et la compétitivité des entreprises, accentuant les inégalités sociales et freinant le développement du fenua.
Les objectifs du groupe de travail
Dans un courrier officiel daté du 3 avril, Manuel Valls et Marc Ferraci proposent la création d’un groupe de travail associant l’État, le gouvernement polynésien, les élus locaux et les acteurs concernés. Les objectifs affichés sont clairs :
- Analyser les modèles existants dans d’autres territoires ultramarins, notamment ceux ayant bénéficié de mécanismes de péréquation ou de conventions spécifiques avec l’État.
- Évaluer les impacts budgétaires et économiques des différentes options, en tenant compte des spécificités polynésiennes.
- Identifier des pistes d’adaptation réglementaire tout en respectant l’autonomie locale en matière d’énergie.
- Favoriser la maîtrise de la demande d’énergie et le développement des énergies renouvelables, en cohérence avec les engagements nationaux et locaux.
« C’est la première fois que l’État s’engage sur ces sujets », s’est félicité le député Moerani Frébault, à l’origine de la démarche, qui insiste sur la nécessité d’une approche non partisane et inclusive : « Les maires et les différents partis politiques devraient être associés (…) Il s’agit d’une démarche qui ne doit pas être politique ».
Énergies renouvelables : un levier incontournable
Le développement des énergies renouvelables est au cœur des travaux à venir. Le groupe devra s’inspirer d’exemples comme la Nouvelle-Calédonie, où des projets solaires avec stockage ont permis d’améliorer la stabilité du réseau et de réduire les émissions de CO2. Toutefois, la transition énergétique en Polynésie se heurte à des obstacles structurels et financiers : la Cour des comptes rappelle que l’objectif de 75 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 semble difficile à atteindre sans investissements massifs et coordination renforcée entre les acteurs.
Pour mieux comprendre les avancées et défis de la transition énergétique locale, notre article sur les 50% d’électricité renouvelable à Tahiti détaille les enjeux économiques, environnementaux et sociaux de cette mutation en cours.
Quels territoires ultramarins comme modèles ?
Le groupe de travail analysera les dispositifs en place dans d’autres territoires non interconnectés, notamment Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, où des conventions spécifiques ou des mécanismes de solidarité ont été expérimentés. L’expérience de la Nouvelle-Calédonie, qui a su développer des solutions hybrides et innovantes, sera également scrutée pour adapter les bonnes pratiques au contexte polynésien.
Impacts budgétaires et pistes d’action
L’un des défis majeurs sera d’évaluer les impacts budgétaires des différentes options, qu’il s’agisse d’une extension de la solidarité nationale, d’une refonte de la péréquation interne ou d’un soutien accru aux énergies renouvelables. Le dispositif actuel de solidarité interne, financé à hauteur de 4 milliards F CFP par an, montre ses limites et nécessite une révision pour garantir une équité réelle entre les îles. Toute évolution devra préserver l’équilibre entre maîtrise des coûts, respect de l’autonomie locale et accès universel à l’énergie.
Réactions et attentes locales
La proposition a été accueillie favorablement par les élus polynésiens, qui saluent une avancée inédite dans le dialogue avec l’État. Moerani Frébault insiste sur l’importance d’associer le gouvernement local, les maires et la société civile à la réflexion, afin de garantir une solution adaptée aux réalités du fenua : « L’objectif, c’est que ce groupe de travail se réunisse assez rapidement (…) pour aboutir à la baisse du coût des factures d’électricité des familles polynésiennes ».
Enjeux pour la communauté polynésienne
Au-delà des aspects techniques et budgétaires, la question de l’électricité touche au quotidien des familles, à l’équité territoriale et à la capacité de la Polynésie à maîtriser son avenir énergétique. Les discussions à venir devront concilier solidarité nationale, respect de l’autonomie et transition vers un modèle plus durable et accessible pour tous les archipels.
« C’est la première fois que l’État s’engage sur ces sujets. J’espère que ces échanges permettront d’aboutir à la baisse du coût des factures d’électricité des familles polynésiennes », Moerani Frébault, député de la Polynésie française.
Perspectives
La mise en place de ce groupe de travail marque une étape clé dans la recherche de solutions pérennes au défi énergétique polynésien. Les prochaines semaines seront décisives pour définir les modalités de concertation et engager, avec toutes les parties prenantes, une réflexion collective sur l’avenir énergétique du fenua.