Essais nucléaires en Polynésie française : l’État a-t-il voulu acheter le silence du fenua ?

Essais nucléaires en Polynésie française : l’État a-t-il voulu acheter le silence du fenua ?

Alors que la commission d’enquête parlementaire s’apprête à rendre ses conclusions sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française, la révélation d’une campagne de communication financée à hauteur de 90 000 euros par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) relance la polémique. Cette opération visait à défendre la version officielle de l’État face aux enquêtes indépendantes dénonçant la sous-estimation des contaminations et des victimes. Au fenua, la démarche suscite colère et incompréhension chez de nombreux élus, associations et témoins des essais.

Une opération de communication controversée du CEA

En 2022, le CEA a engagé plus de 90 000 euros pour distribuer 5 000 exemplaires d’une brochure défendant la version officielle sur les essais nucléaires en Polynésie française. Cette initiative répondait directement aux révélations du livre-enquête « Toxique », qui affirmait que la contamination radioactive avait été largement sous-estimée et que l’État avait minimisé le nombre de victimes pour limiter les indemnisations[5][6].

  • Envoi d’une équipe du CEA dans les archipels pour rencontrer élus et médias
  • Diffusion de brochures dans les écoles et institutions
  • Organisation d’interviews pour défendre la version officielle

Cette campagne a été perçue par de nombreux acteurs locaux comme une tentative de « réécrire l’histoire » et de discréditer les enquêtes indépendantes menées par des journalistes et des scientifiques polynésiens ou internationaux.

« Nous attendons de l’État qu’il reconnaisse la réalité de notre histoire, pas qu’il dépense de l’argent pour la masquer. »
— Un membre d’une association d’anciens travailleurs du CEP

Les chiffres clés des essais nucléaires en Polynésie française

Période Nombre d’essais Sites principaux Population exposée
1966-1996 193 Moruroa, Fangataufa Jusqu’à 120 000 personnes

Entre 1966 et 1996, la France a mené 193 essais nucléaires en Polynésie française, dont 46 atmosphériques. Les explosions ont projeté des nuages radioactifs sur l’ensemble du territoire, exposant la population sans information préalable[5][9].

Commission d’enquête parlementaire : vers plus de transparence ?

Face à la pression des associations, des élus et de la société civile polynésienne, l’Assemblée nationale a lancé en 2025 une commission d’enquête sur les essais nucléaires en Polynésie française. Cette commission, présidée par Didier Le Gac et rapportée par Mereana Reid Arbelot, a entendu plus de quarante responsables, victimes, experts, et représentants locaux.

  • Évaluation des conséquences sanitaires, environnementales et sociales
  • Analyse de la gestion des indemnisations et de l’accès aux archives
  • Recueil de témoignages dans tous les archipels du fenua

Les auditions ont mis en lumière les difficultés d’accès aux archives, la lenteur des indemnisations et la persistance d’un sentiment d’injustice chez les familles touchées par les maladies radio-induites.

« Quel que soit leur âge, les Polynésiens attendent que l’État prenne ses responsabilités et offre réparation aux victimes. »
— Alexis Vrignon, chercheur, cité par Reporterre

La mémoire du fenua et la transmission aux jeunes générations

Pour accompagner la reconnaissance officielle, un dictionnaire nucléaire bilingue (français/reo tahiti) a récemment vu le jour, fruit d’une collaboration entre chercheurs, institutions et l’Académie tahitienne. Cet outil pédagogique vise à rendre accessible l’histoire des essais nucléaires en Polynésie française à tous les habitants, en particulier aux jeunes des archipels.

  • Notices thématiques sur l’histoire, les conséquences et les acteurs du CEP
  • Accessibilité en ligne et dans les écoles
  • Valorisation de la langue et de la mémoire polynésiennes

« Pouvoir lire et comprendre l’histoire du nucléaire dans notre langue, c’est une reconnaissance pour nous tous, surtout pour les jeunes des archipels. »
— Tehani, enseignante à Raiatea

p> Pour approfondir la connaissance de cette période, un dictionnaire historique du Centre d’expérimentation du Pacifique est désormais accessible en ligne. Cet outil bilingue, en français et en reo tahiti, permet à tous les habitants du fenua, et notamment aux jeunes générations, de mieux comprendre l’histoire des essais nucléaires en Polynésie française et d’en transmettre la mémoire. Découvrir ce dictionnaire historique du CEP.

 

Quels enjeux pour la Polynésie française ?

La question des essais nucléaires en Polynésie française reste centrale pour la société du fenua. Les attentes sont fortes concernant la transparence, la reconnaissance des victimes et la réparation des préjudices. La commission d’enquête parlementaire, dont les conclusions sont attendues à la mi-juin 2025, pourrait marquer une étape importante vers une meilleure prise en compte des réalités locales et une réconciliation mémorielle.

  • Reconnaissance institutionnelle des victimes et de leurs familles
  • Ouverture totale des archives et accès à l’information
  • Transmission de la mémoire aux jeunes générations

La Polynésie française, riche de sa diversité et de sa résilience, continue de porter la mémoire de ces décennies d’essais nucléaires, en quête de vérité, de justice et de reconnaissance pour l’ensemble du fenua.

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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