À l’occasion du sommet de l’océan à Nice, la Polynésie française a officialisé la création d’une aire marine protégée couvrant la quasi-totalité de sa zone économique exclusive. Si cette annonce historique est saluée à l’international, elle suscite des réactions contrastées dans le fenua, où pêcheurs et élus expriment attentes et inquiétudes face aux nouvelles règles de zonage et à la préservation des ressources marines. Pour revenir sur le contexte et les ambitions portées à Nice, lire la Polynésie à l’UNOC 2025 de Nice.
Une annonce majeure lors du sommet de l’océan à Nice
Le sommet de l’océan à Nice a constitué une avancée majeure pour la gouvernance mondiale des espaces maritimes. C’est dans ce cadre que la Polynésie française a annoncé le classement de près de 5 millions de km² de sa zone économique exclusive (ZEE) en aire marine protégée. Le président Moetai Brotherson a salué « un choix fort pour l’avenir du fenua et de la planète », positionnant la Polynésie comme un modèle régional et international de préservation marine.
« La protection de notre océan, c’est aussi la protection de nos emplois et de notre avenir. »
— Tane, chef d’entreprise à Fakarava
Un zonage qui divise les archipels
Si la création de cette aire marine protégée a été saluée lors du sommet de l’océan à Nice, les modalités de zonage annoncées par le gouvernement polynésien font débat localement. Deux mesures principales ont été retenues :
- Extension de la zone de pêche réservée aux poti marara des îles de la Société à 30 milles nautiques
- Maintien de la limite à 15 milles nautiques pour les Marquises et les autres archipels
Cette différenciation provoque l’incompréhension et la colère de plusieurs élus et pêcheurs, notamment aux Marquises, qui dénoncent une inégalité de traitement et réclament une meilleure protection de leurs ressources. Pour une analyse approfondie des mesures et des réactions, voir la Polynésie crée la plus grande aire marine protégée.
« Ce n’est pas acceptable. […] Pour nous le travail est déjà terminé, il n’est pas question d’attendre 2026 pour prendre cette décision de préserver les Marquises. »
— Joseph Kaiha, maire de Ua Pou
Comparatif des principales mesures de zonage
Archipel | Limite de zonage côtier | Réactions locales |
---|---|---|
Îles de la Société | 30 milles nautiques | Satisfaction prudente des pêcheurs, demande initiale de 50 milles |
Marquises | 15 milles nautiques | Rejet par les élus, demande d’alignement à 30 milles et de protection renforcée |
Autres archipels | 15 milles nautiques | Attente de concertation, inquiétudes sur la préservation des ressources |
Des attentes fortes pour la pêche artisanale et la concertation
Pour les pêcheurs artisanaux, la préservation de l’accès à la ressource est vitale. Beaucoup saluent la volonté de protéger la pêche vivrière, mais s’inquiètent des risques de concurrence accrue avec les thoniers industriels si les règles ne sont pas harmonisées entre archipels. Les élus marquisiens, quant à eux, réclament :
- Un zonage côtier à 30 milles nautiques, identique à celui des îles de la Société
- Une définition stricte de la pêche artisanale, limitée aux embarcations traditionnelles de moins de 12 mètres
- La création d’une zone de protection forte de 310 000 km² au sud et à l’est des Marquises
« Pour nous c’est une bonne chose, mais on avait demandé les 50 nautiques. Quand ce sera acté, tout thonier qui sera pris à l’intérieur des 30 nautiques sera sanctionné, chose avant qu’il n’y avait pas. »
— Ralph Van Cam, président du syndicat Rava’āi mau
Aire marine protégée : quels impacts pour le fenua ?
La nouvelle aire marine protégée polynésienne, annoncée lors du sommet de l’océan à Nice, prévoit plusieurs niveaux de protection :
- Protection minimale : la quasi-totalité de la ZEE reste ouverte à la pêche artisanale, sous gestion durable.
- Protection stricte : 900 000 km² interdits à toute activité extractive, notamment à l’ouest des îles de la Société et autour des Gambier.
- Zone côtière protégée : 200 000 km² réservés à la pêche vivrière et aux usages locaux.
Le gouvernement s’engage à poursuivre la concertation avec les communautés locales pour adapter la gestion à la réalité de chaque archipel. La reconnaissance internationale du modèle polynésien ouvre aussi l’accès à de nouveaux financements pour la surveillance, la recherche et la formation aux métiers de la mer.
Entre ambition mondiale et réalités insulaires
Le sommet de l’océan à Nice a mis en lumière la capacité de la Polynésie française à porter la voix du Pacifique Sud sur la scène internationale. Mais la réussite de cette démarche dépendra de la prise en compte des spécificités locales et de la capacité à maintenir un dialogue ouvert avec les pêcheurs, élus et habitants des cinq archipels.
Les prochaines semaines seront décisives pour traduire les engagements pris à Nice en actions concrètes et équitables sur le terrain, dans le respect des traditions, des écosystèmes et des besoins économiques du fenua.