Depuis plusieurs jours, la grève générale lancée par la FRAAP et plusieurs syndicats perturbe profondément la vie en Polynésie française. Transports aériens à l’arrêt, services publics ralentis, festivités menacées : la population des archipels subit de plein fouet les conséquences d’un mouvement social d’ampleur inédite, alors que la légitimité de la grève est contestée et que l’exaspération monte.
Des archipels coupés du monde et un quotidien bouleversé
À Tahiti comme dans les îles, la grève générale a plongé la population dans l’incertitude. Depuis le 30 juin, 43 aérodromes sont fermés, paralysant la desserte aérienne pour des milliers de résidents, scolaires, touristes et professionnels. Les liaisons inter-îles, vitales pour la santé, la famille et l’économie, sont interrompues ou fortement perturbées.
- Évacuations sanitaires retardées : des patients des Tuamotu, des Marquises ou des Australes attendent un vol pour Tahiti, parfois dans l’angoisse.
- Vacances scolaires compromises : de nombreux élèves ne peuvent pas rentrer dans leur île d’origine, alors que juillet marque l’un des rares retours familiaux annuels.
- Touristes bloqués : hôtels et pensions saturés, files d’attente à l’aéroport, certains visiteurs contraints de dormir sur place ou de dépenser des sommes importantes pour affréter un bateau ou un jet privé.
- Approvisionnements perturbés : dans les îles éloignées, la crainte de ruptures de stocks alimentaires ou de médicaments grandit.
« Nous étions censés avoir un vol scolaire samedi, afin de ramener nos enfants depuis Rangiroa. Mais avec la grève, ils sont restés coincés là-bas jusqu’à lundi. Il a donc fallu les faire revenir par bateau, un trajet de plus de 13 heures ! »
— Tehani, mère de famille à Fakarava
Des services publics à l’arrêt et une économie fragilisée
Au-delà du transport aérien, la grève touche de nombreux secteurs essentiels : santé, équipement, administration, culture. Sur la côte Est de Tahiti, les embouteillages atteignent des niveaux records, faute de gestion du trafic par les services de l’équipement. Les examens du permis de conduire sont reportés, les démarches administratives ralenties.
- Le secteur du tourisme — pilier de l’économie locale — est particulièrement touché, avec des annulations en série et des visiteurs bloqués.
- Les organisateurs du Heiva i Tahiti, le plus grand festival culturel du fenua, redoutent une annulation ou un report, alors que 3 000 artistes sont mobilisés depuis des mois.
« On a dû affréter un bateau pour ramener nos enfants depuis Rangiroa. C’est long, cher et risqué, mais on n’avait pas le choix. »
— Tehani, Fakarava
« La grève impacte l’approvisionnement en matériaux pour les grands costumes traditionnels. Certaines commandes s’annulent parce qu’il n’y a pas de vols », explique Tiare Trompette, cheffe de la troupe Hei Tahiti.
Une grève jugée illicite, mais la contestation persiste
Le 1er juillet, la justice a déclaré la grève générale illicite, estimant que la FRAAP n’avait pas respecté la procédure de conciliation obligatoire. Malgré cette décision, le syndicat a maintenu la pression et déposé un nouveau préavis pour le 9 juillet, faute d’accord avec le gouvernement.
La contestation porte principalement sur la revalorisation du point d’indice pour les 5 500 agents publics mobilisés, dont 1 800 de catégorie D, les plus bas salaires de la fonction publique territoriale. Le gouvernement, de son côté, invoque l’urgence de préserver la continuité du service public et la nécessité de respecter le droit.
« Nous sommes pris en otage », s’est offusquée Imelda Tetuanui, résidente de la côte Est de Tahiti, après avoir passé deux heures dans les embouteillages pour parcourir 13 km.
Des réalités contrastées dans les archipels
La Polynésie, territoire de 118 îles, vit la crise de manière très différente selon les archipels. Dans les Marquises ou les Tuamotu, l’isolement est accentué : l’absence de liaisons aériennes complique l’accès aux soins, à l’éducation et à l’approvisionnement. À Moorea, la saturation des ferries et la crainte d’une extension du mouvement inquiètent les familles et les entreprises.
- Dans les îles Sous-le-Vent, les pensions de famille doivent gérer l’afflux de touristes bloqués ou les annulations de dernière minute.
- Aux Australes, certains habitants s’organisent pour mutualiser les moyens de transport maritime, malgré les risques et les coûts.
« La grève, c’est dur pour tout le monde, surtout pour les personnes âgées qui doivent se soigner à Tahiti. »
— Hina, retraitée à Moorea
« On a des clients coincés à Bora Bora, on fait tout pour les aider, mais c’est la galère. »
— Tavana, gérant de pension aux Sous-le-Vent
Des enjeux majeurs pour la société et la culture polynésiennes
Ce mouvement social inédit met en lumière la fragilité logistique et sociale du fenua. La dépendance aux transports inter-îles, la centralisation des services à Tahiti, et la précarité de nombreux agents publics sont au cœur des débats. Mais la grève touche aussi à l’identité culturelle : la menace sur le Heiva i Tahiti, événement fédérateur, suscite une vive émotion dans tout le pays.
Impacts de la grève | Conséquences concrètes |
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Transports inter-îles | Isolement, retards, évacuations sanitaires compromises |
Éducation | Élèves bloqués, vacances familiales perturbées |
Tourisme | Annulations, hébergements saturés, image dégradée |
Culture | Heiva i Tahiti menacé, troupes et artisans pénalisés |
Économie locale | Activités ralenties, pertes financières pour les entreprises |
Perspectives et attentes
À l’heure où la contestation se poursuit, la population attend des solutions concrètes pour sortir de l’impasse. Les négociations entre la FRAAP et le gouvernement sont cruciales pour éviter une nouvelle paralysie à partir du 9 juillet. Les acteurs culturels, économiques et associatifs appellent à un compromis rapide, afin de préserver la cohésion sociale et le rayonnement du fenua.
Pour suivre l’évolution du mouvement et ses conséquences sur la vie quotidienne et la culture polynésienne, retrouvez nos précédents articles : Grève générale en Polynésie et Heiva i Tahiti menacé par une grève surprise.